La grande mosquée d'Alger, la troisième plus vaste au monde et la plus monumentale d'Afrique, bâtiment budgétivore très contesté; va être inaugurée mercredi avec une première prière collective, un an et demi après la fin de sa construction sur fond de polémique. A la veille de la fête du Mawlid (la naissance de Mohammed), la grande salle de prière pouvant accueillir jusqu'à 120 000 fidèles doit être inaugurée dans la soirée par le président Abdelmadjid Tebboune si son état de santé le permet. Il est hospitalisé à Alger après des cas de Covid-19 dans son entourage. « Contre les radicalismes » Lors d'une récente visite, M. Tebboune a demandé au ministre des Affaires religieuses de mettre en place « une instance scientifique de haut rang » pour l'encadrer. Nourrissant l'ambition d'être un haut lieu théologique, culturel et scientifique, la mosquée dispose de douze bâtiments indépendants, dont une bibliothèque qui devrait abriter un million de livres. « Il y a des gens sérieux qui sont conscients des problèmes actuels: radicalisation, vision obsolète de la religion, qui se posent tant dans nos pays qu'en Occident », annonce un théologien. Un groupe d'études et de recherches pluridisciplinaires, constitué de scientifiques, travaillera sur le texte coranique et « son adéquation avec l'époque et surtout avec la science », précise-t-il. –Controverses Méga-projet emblématique du président déchu Abdelaziz Bouteflika, chassé du pouvoir par la rue en avril 2019, la grande mosquée aura suscité une des plus vives polémiques de mémoire récente en Algérie. Son chantier d'abord, achevé fin avril 2019 après plus de sept années de travaux, et la compagnie chargée de la construction, le géant du BTP China State Construction Engineering (CSCEC) qui a fait venir ses ouvriers de Chine. Son coût ensuite: officiellement plus de 750 millions d'euros, largement plus que prévu, à la charge des contribuables algériens. Saïd Benmehdi, un septuagénaire dont les deux enfants sont au chômage, est amer. Il aurait préféré que « l'Etat construise des usines et fasse travailler les jeunes » d'autant qu'« il y a une mosquée presque dans chaque quartier ». Pour le sociologue Belakhdar Mezouar, le monument « n'a pas été construit pour le peuple ». Il est l'« oeuvre d'un homme (Abdelaziz Bouteflika, NDLR) qui voulait rivaliser avec le voisin marocain, rendre son nom éternel et présenter cette réalisation dans son CV, afin d'accéder au paradis le jour du Jugement », dit-il, résumant l'opinion générale. Enfin, sa taille et sa place dans le paysage urbain algérois font débat. Nadir Djermoune, enseignant en urbanisme, regrette que ses condisciples aient « déserté la critique urbaine et environnementale pour se confiner dans un débat religieux et identitaire ». La grande mosquée est « mal située car isolée des besoins réels de la ville en termes d'infrastructures », ajoute M. Djermoune, en critiquant « le choix ostentatoire » pour de grands projets au moment où l'Algérie a besoin de nouveaux équipements sanitaires, scolaires, sportifs ou ludiques.