Pour le journaliste Vincent Braun, l'Algérie recourt à l'arme du gaz pour faire pression sur le Maroc. «La coupure du gazoduc Maghreb-Europe (GME), par lequel l'Algérie fournissait l'Espagne en gaz naturel via le Maroc, est l'une des conséquences flagrantes de la crise diplomatique aiguë entre les deux rivaux du Maghreb. L'Algérie, qui n'a pas reconduit le contrat d'exploitation du GME (qui profite aussi au Maroc) au-delà du 31 octobre, a d'ailleurs expliqué sa décision avec les mêmes arguments que lorsqu'elle avait rompu ses relations fin août avec son voisin» note le journaliste Vincent Braun. «L'ordre donné par le président Abdelmadjid Tebboune à la Sonatrach algérienne de cesser toute relation commerciale avec l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (Onee) marocain pointe des "pratiques à caractère hostile du Royaume qui portent atteinte à l'unité nationale". La formule fait référence aux diverses polémiques qui ont entaché depuis près d'un an les relations entre les deux pays. Principal point commun des accusations formulées par Alger à l'encontre de Rabat, la décision des Etats-Unis de reconnaître le Sahara» assène-t-il. «Si la coupure du GME consiste de toute évidence pour l'Algérie à utiliser le gaz comme levier économique, elle n'a jusqu'ici pas eu l'effet escompté sur Rabat. L'ONEE a rétorqué dimanche soir que le non-renouvellement du contrat avec la Sonatrach n'aura "dans l'immédiat qu'un impact insignifiant sur la performance du système électrique national"» dit-il. Le GME, un gazoduc dont le tracé passe par le nord du Maroc et sous le détroit de Gibraltar, fournit environ 10 milliards de mètres cubes de gaz à l'Espagne (et au Portugal). Le Maroc en prélève au passage près d'un milliard, la moitié à titre de droits de passage et l'autre moitié en achat à tarif préférentiel. La décision algérienne de fermer le robinet du GME, écrit-il, «a pour effet de reporter ce flux de gaz destiné à la Péninsule ibérique sur le gazoduc Medgaz, qui relie directement l'Algérie à l'Espagne depuis 2011. Or, Medgaz fonctionne déjà au maximum de ses capacités, soit 8 milliards de mètres cubes. Ainsi la pression recherchée par le défaut d'approvisionnement se fait-elle davantage sentir sur le Royaume ibérique – dont l'Algérie est le premier fournisseur de gaz – que sur son homologue chérifien». Mais l'Algérie se veut rassurante sur sa capacité à livrer les quantités habituelles, malgré les craintes des observateurs. «Elle avait annoncé le mois dernier qu'elle allait adapter la capacité de Medgaz d'ici la fin novembre pour la porter à 10,5 milliards de mètres cubes. La Sonatrach va construire une quatrième unité de compression dans son usine de Beni Saf (à l'ouest d'Oran), d'où part Medgaz. Plan éolien Alger a aussi promis d'accroître le rythme de ses livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL), par la voie maritime. Mais, outre le nombre restreint de méthaniers disponibles, les coûts de transports accrus vont augmenter la facture des consommateurs européens, dans un contexte de tarifs gaziers déjà sous pression» a-t-il détaillé. Au Maroc, a-t-il ajouté, «l'ONEE a déclaré avoir pris "les dispositions nécessaires" pour assurer la continuité de l'alimentation du pays en électricité. Le jour même de l'annonce algérienne, la diplomatie marocaine a annoncé sur Twitter son Programme intégré de l'énergie éolienne, à l'occasion de la COP26. Ce plan de 1 000 mégawatts (MW) prévoit, à l'horizon 2024, le déploiement de parcs de production d'électricité à travers tout le pays, pour un investissement global de 14,5 milliards de dirhams (1,38 milliard d'euros). Le Maroc n'en a pas moins lancé des discussions avec l'Espagne pour qu'elle lui envoie une part du gaz algérien, arrivé par Medgaz, en utilisant le gazoduc GME... dans l'autre sens.»