Les Marocains sont appelés mercredi aux urnes pour des élections législatives et locales qui détermineront le sort du parti islamiste PJD au pouvoir depuis une décennie. Retour sur les manquements de ce parti envers le pays qui se sont cristallisées sur deux dossiers majeurs: la reprise des relations avec Israël et le projet de légalisation du cannabis thérapeutique –dénoncée par Abdel-ilah Benkirane comme une «légalisation de la drogue». «La patrie passe avant le parti. La reprise de ces relations [avec Israël] est une décision d'Etat, dans l'intérêt de la cause nationale, et il est de mon devoir en tant que chef du gouvernement de ne pas jouer les perturbateurs, surtout sur un sujet de politique extérieure qui relève pleinement des prérogatives du chef de l'Etat» a déclaré Saad Dine El Otmani dans un récent entretien accordé à Jeune Afrique. Une version réaménagée de la réalité. Le PJD était en réalité le seul parti à avoir exprimé des réticences à la suite de la venue au Maroc d'une délégation américano-israélienne conduite par le gendre et conseiller principal de Donald Trump, Jared Kushner. Au cours d'une audience au palais royal, Saad Dine El Othmani a apposé sa signature sur la feuille de route tripartite, destinée à concrétiser les annonces effectuées par le président Trump le 10 décembre, à savoir la reconnaissance de la marocanité du Sahara et la reprise effective des mécanismes de coopération avec Israël. Au sein du PJD, les accusations de «trahison» fusent, et plusieurs ministres islamistes de premier plan se sont amèrement exprimé sur la plus importante annonce diplomatique relative au Maroc depuis des années. Mi-mars, une nouvelle législation a été votée au Parlement par tous les partis présents dans l'hémicycle, à l'exception du PJD, concernant le nouveau calcul déterminant le quota d'élus vise tous les partis. Non seulement il a tenté de bloquer la réforme, mais le chef du gouvernement et patron du PJD a dénoncé un «recul démocratique qui affaiblit les institutions de manière inédite dans l'histoire du Maroc», des propos qui ont indigné le microcosme politique, lequel a dénoncé une «tentative d'accaparer les rouages de l'action publique marocaine». La surenchère PJD s'est cristallisée sur deux dossiers majeurs: la reprise des relations avec Israël et le projet de légalisation du cannabis thérapeutique –dénoncée par Abdel-ilah Benkirane comme une «légalisation de la drogue», sans penser aux milliers de familles qui vivent de cette culture. Démagogue, le président du conseil national du parti, Driss El Azami, a annoncé début mars sa démission, refusant «de tout accepter et tout justifier» –avant de revenir sur sa décision. Abdel-ilah Benkirane a gelé son adhésion au parti mais sans être explicite sur ses intentions futures. Le PJD, qui se targue d'être un chantre de la transparence, a refusé mi-2020 de se séparer de deux de ses cadors, empêtrés dans un scandale de fraude aux cotisations sociales, au moment où beaucoup remettaient en cause la crédibilité de la formation islamiste, dont est issu le chef du gouvernement. Un ministre qui préside la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) et qui se dispense lui-même de payer les droits de ses propres salariés, telle est la situation embarrassante dans laquelle s'est trouvée l'islamiste Mohamed Amekraz, en charge du portefeuille de l'emploi et qui tenait auparavant un bureau d'avocat à Agadir. Le même ministre a préféré, le 12 août, bouder la visite «historique» du chef de la diplomatie israélienne Yaïr Lapid, alors que des accords portant sur la consultation politique, la culture et l'aviation ont été signés. Une visite où M. Lapid a été accompagné du ministre du travail d'origine marocaine, Meir Cohen. Lors du dernier conseil national, le secrétaire général du PJD a réitéré «l'attachement irréversible du parti à son référentiel islamique». Toutefois, le langage théologique a démontré que les principes de gouvernance obéissent à d'autres considérations. Le PJD est surtout accusé de livrer les affaires intérieures à toutes les influences, à tous les conflits, à toutes les incertitudes ; — la preuve par son ex-leader indiscipliné et relaps, qui se jette étourdiment, avec une vanité tapageuse, dans toute sorte de mauvaises interprétations contre les adversaires de sa famille politique, alors qu'il sait qu'il n'y a pas de gouvernement solide possible sans dignité, sans politique d'apaisement moral, de réparation et de réorganisation financière. Le malheur du PJD est de ne pas savoir ce qu'il veut, de ne vouloir jamais qu'à moitié, ou plutôt de se sentir enchaîné par l'incurie de ses composantes.