Le roi Mohammed VI a regretté samedi la «situation actuelle» entre son pays et l'Algérie, réitérant son appel à rouvrir les frontières terrestres avec son voisin, dans un discours prononcé à l'occasion de la fête du Trône. Il faut en finir avec les questions litigieuses, tranche le monarque. C'est le génie de la politique du Maroc que de croire sa sûreté et sa grandeur intéressées à ce que ses voisins soient forts et de travailler à leur prospérité. «Vous n'aurez jamais à craindre de la malveillance de la part du Maroc (…) La sécurité et la stabilité de l'Algérie, et la quiétude de son peuple sont organiquement liées à la sécurité et à la stabilité du Maroc», les mots du roi Mohammed VI ont résonné partout. Le monarque a invité le président algérien Abdelmadjid Tebboune «à faire prévaloir la sagesse» et «œuvrer à l'unisson au développement des rapports» entre les deux pays voisins. Les sceptiques ne croyaient plus à l'axe Rabat-Alger; mais il semble que le Maroc comprenne quels services peut rendre à la paix du monde une politique sagement préventive, l'action commune et concertée de deux gouvernements désintéressés. Rabat proteste de ses intentions pacifiques et ceux qui jettent un regard soupçonneux sur l'avenir des deux voisins, insinuant que la question était une eau trouble, ont été désavoués, ils ont dégonflé jusqu'à nouvel ordre leurs ballons d'essai. Pour mener à bonne fin cet objectif, il va falloir une vigilance, une suite dans les desseins, une bonne foi, une persévérance de volonté, une promptitude de décision, qui ont manqué auparavant. Les commentateurs et les institutions politiques de la région, telles que la Ligue arabe et l'Union du Maghreb arabe, espèrent que l'initiative du roi Mohammed VI pourrait amorcer un renouveau économique et diplomatique au Maghreb. Il convient de noter la demande du président algérien que le Maroc devrait «formuler une proposition concrète» pour avancer dans la résolution des différends bilatéraux. Chose que le roi Mohammed VI avait déjà fait en proposant «de nouveaux mécanismes de concertation bilatérale sans conditions» et hier encore, en appelant l'Algérie à ouvrir une nouvelle page dans les relations. Au message de convalescence adressé par le président algérien au roi Mohammed VI avant deux ans, Abdelmadjid Tebboune ajoute l'adjectif «cher frère» au traitement protocolaire, et le souverain a répondu quelques jours plus tard en félicitant le président Tebboune à l'occasion de l'anniversaire de l'indépendance du pays le 5 juillet 1962, rappelant dans le texte que «les liens d'amitié entre les deux peuples ont été réaffirmés par la solidarité fraternelle qui a marqué l'héroïque lutte pour la liberté et l'indépendance, et la ferme conviction de l'unité du destin maghrébin commun». Les nouvelles réalités priment. L'approche marocaine concernant le conflit du Sahara recueille le soutien croissant des capitales et des organisations africaines, arabes et internationales. Le Maroc se rapproche également des Etats-Unis et le président élu Joe Biden n'a pas repoussé l'accord trilatéral. Des théories ont même parlé du fait que Washington pourrait déplacer le Commandement américain pour l'Afrique (Africom) dans le sud du Maroc. L'Algérie traverse une phase turbulente. Sur le plan économique, la chute des prix du pétrole renforce le déclin du modèle économique actuel, une vérité conjuguée avec la remise en cause par les principaux clients des tarifs et des approvisionnements en gaz algérien. Politiquement, la constatation populaire ne cesse de mettre à nu le vide et la fragilité au sein de l'élite dirigeante (principalement militaire). De plus, avec des groupes violents moins actifs dans son arrière-pays sud, l'Algérie est de moins en moins considérée comme un pays sûr. Cependant, les chances de défendre ses capacités en tant qu'acteur majeur contre le terrorisme diminuent. Entretemps, Rabat est favorisé en Libye, depuis la disparition de l'ardent partisan de l'Algérie et du Polisario Mouammar Kadhafi en 2011. Ainsi, l'impasse dans les camps de Tindouf reste cruciale pour les politiques régionales d'Alger. Le discours sur l'autodétermination s'estompe à mesure que les événements révèlent que certaines parties algériennes profitent de la situation à leurs propres fins. S'engager dans des démarches de proximité Maroc-Algérie pourrait être fructueux à long terme, sinon dans l'immédiat, en s'appuyant sur plusieurs signes positifs antérieurs. Sur le plan diplomatique, par exemple, le Maroc a gardé un silence délibéré lors des manifestations du Hirak algérien. Plus tard, le roi Mohammed VI a félicité l'équipe nationale algérienne de football pour avoir remporté la Coupe d'Afrique des nations en 2019. Sur le plan économique, une cargaison de marchandises a été transportée de Casablanca à Alger au cours des premiers mois de la pandémie. Les médias marocains ont encouragé cette initiative, espérant que d'autres mesures économiques suivraient des deux côtés pour rétablir les relations entre les deux pays. «À sa plus proche convenance, j'invite le Président algérien à œuvrer à l'unisson au développement des rapports fraternels tissés par nos deux peuples durant des années de lutte commune», en référence notamment à la coopération des mouvements nationaux des deux pays contre la colonisation françaises dans les années cinquante, a déclaré le roi Mohammed VI. Il a également réitéré son appel à rouvrir les frontières fermées depuis l'été 1994 à l'initiative de l'Algérie. Alger avait ainsi riposté à la décision de Rabat d'imposer un visa d'entrée à son territoire aux Algériens. Depuis 2004, le visa a été supprimé et les lignes aériennes entre les deux pays rétablies mais l'Algérie refuse de rouvrir ses frontières terrestres. Plutôt que d'exacerber la situation, un résultat gagnant-gagnant nécessite la priorisation des facteurs de coopération saillants. La poursuite du bras de fer actuel pousse les deux pays aux extrêmes politiques.