Abdelmadjid Tebboune a déclaré dimanche 20 septembre, lors d'une rencontre avec deux représentants de la presse écrite algérienne, affirme que l'Algérie «n'a aucun problème avec le Maroc», insistant en même temps sur le fait que l'affaire du Sahara «est une question de décolonisation (sic!)». Mais les faits sont impitoyables. Le grand oral du président algérien mal élu Abdelmadjid Tebboune avec deux représentants de la presse écrite locale était contrasté. Alors que le roi Mohammed VI a appelé, en 2019, à ouvrir une «nouvelle page» dans les relations entre son pays et l'Algérie, à la «confiance mutuelle» et au «dialogue constructif», le successeur d'Abdelaziz Bouteflika affirme que les deux pays n'ont «aucun problème» tout en réitérant son soutien aux thèses séparatistes du Polisario. Un autre mensonge qui s'ajoute à celui qui consiste à dire que «l'Algérie n'est pas directement impliquée dans le conflit, mais en est une partie intéressée pour des raisons géographiques». Ces positions figées bloquent la coopération multilatérale intermaghrébine, considérée comme un idéal à atteindre le plus vite possible, et que les dirigeants algériens empêchent depuis trente ans. L'importance accordée par le régime algérien à la question du Sahara et sa position à n'accepter une solution que si elle correspond à la ligne tenue par l'Algérie sont considérées comme un facteur de complication dans la résolution du conflit. Abdelmadjid Tebboune, qui a remporté fin 2019 l'élection présidentielle en Algérie, est une des personnalités conspuées par le mouvement populaire de contestation qui a ébranlé le pays et a poussé à la démission Abdelaziz Bouteflika en avril de la même année. Faut-il rappeler les déclarations d'Amar Saadani, l'ancien secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), qui avait considéré que le Sahara faisait «historiquement partie du Maroc» et que son amputation était un fait colonial ? Le même responsable avait affirmé que l'argent dépensé depuis cinq décennies pour financer le Polisario méritait d'être consacré au développement des villes algériennes. L'Algérie paye un tribut de plus en plus lourd pour maintenir le Front Polisario en vie. L'aide logistique et matérielle au Polisario, en termes d'armes, d'aide alimentaire, de soutien budgétaire, devient une charge d'autant plus lourde à porter que l'Algérie est confrontée à une grave crise économique qui aggrave ses déficits financiers. Le pays affronte une baisse un taux de chômage qui pourrait atteindre 15 % cette année, alors que le président Abdelmadjid Tebboune a catégoriquement exclu de contracter des prêts auprès du FMI et des organismes financiers internationaux, au nom de «la libre opinion nationale dans certains sujets, dont le Sahara». Des déclarations qui ont étonné plus qu'un. Le roi Mohammed VI a appelé l'Algérie, en novembre 2018, à un dialogue «direct et franc», en proposant la création d'un «mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation» pour «dépasser les différends» entre les deux voisins. Dans son discours télévisé, le souverain a longuement évoqué les relations entre Rabat et Alger, qui «échappent à la normalité, créant, de fait, une situation inacceptable». Aucune réponse officielle algérienne formulée. Pour avancer, le roi Mohammed VI a mis sur la table un nouveau «mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation», indiquant que «le niveau de représentation au sein de cette structure, son format, sa nature [étaient] à convenir d'un commun accord». «Le Maroc est ouvert à d'éventuelles propositions et initiatives émanant de l'Algérie» pour asseoir les relations entre les deux pays «sur de solides bases de confiance, de solidarité et de bon voisinage», avait-t-il ajouté. Ce mécanisme permettrait de discuter «sans tabou» de toutes les questions bilatérales en suspens, d'identifier les projets de coopération bilatérale «dans des domaines clés comme la sécurité» et de coordonner les actions sur les questions plus globales comme la migration et le terrorisme, avait déclaré une source gouvernementale. Alors qu'Abdelmadjid Tebboune veut ouvrir une phase de décompression autoritaire (réforme constitutionnelle, formation d'un gouvernement associant les figures du Hirak, reconnaissance des causes sociales, féminines et des défenseurs des droits humains) qui donne à penser aux Algériens que le président est à l'écoute du peuple et que des changements sont possibles, il reste attaché à sa marionnette, le Polisario, ce qui empoisonne les relations avec le Maroc. Le président algérien, agacé selon toute vraisemblance de la médiation marocaine dans le dossier libyen, saluée au niveau international, a exprimé sa réticence à toute solution qui exclut la voix de son pays. Les rivaux libyens ont retrouvé le chemin du dialogue et des rencontres se sont déroulées à Bouznika du 6 au 10 septembre, pour relancer le dialogue et trouver une solution politique à la crise libyenne. M. Tebboune a dépêché son ministre algérien des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum au Mali. Il est arrivé le 20 septembre à Bamako, pour sa seconde visite en moins d'un mois depuis la prise de pouvoir par les militaires au Mali et le renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta. Sauf que les résultats de la médiation algérienne avant quelques années se sont vite évaporés. L'Algérie soutient le Polisario dans une prise position de principe intransigeante qui est aussi pour Alger une carte politique pour faire oublier les crises qu'elle affronte à tous les niveaux. Plusieurs personnalités algériennes ont dénoncé ces dernières années une manipulation idéologique du conflit par les autorités leur pays pour des raisons de politique interne alors que le financement des séparatistes pèse lourd sur les moyens du pays. Abdelmadjid Tebboune doit peut-être s'attarder au rapport rédigé par l'Office anti-fraude de l'Union européenne (UE) qui pointe un détournement régulier depuis des années de l'aide humanitaire accordée aux réfugiés sahraouis des camps de Tindouf en Algérie. Ce rapport porte de graves accusations et cite les noms des personnes soupçonnées d'être les organisateurs de ces détournements, qui commencent dans le port algérien d'Oran où est opéré le tri entre «ce qui doit arriver et ce qui peut être détourné». «Une des raisons qui ont rendu ces détournements possibles est la surestimation du nombre des réfugiés et donc des aides fournies», souligne l'office anti-fraude dans son rapport. Sur ce sujet brûlant, Tebboune reste muet.