Il y a de tout dans les révélations sur les liens du Maroc avec le logiciel Pegasus, de la grossièreté, du cynisme, du mensonge, de la verve trompeuse, parfois même du bon sens, et ce caractère est surtout transparait dans les derniers articles du Monde, qui reconnaît timidement que le gouvernement français n'accordent à l'affaire qu'une importance dérisoire. En France, l'affaire Pegasus est un non-événement malgré la force et l'effervescence de l'esprit polémique. Il ne se passe pas de jour qu'une certaine presse ne roule sur plus d'une édition tant d'approximations sur le Maroc, cité dans les fuites d'Amnesty. Les examens actuellement menés par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information et la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) n'ont indiqué aucune information qui lie le Maroc à la société NSO. «Il y a des vérifications techniques qui sont menées, qui continuent à l'être», a déclaré le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, à l'issue du conseil des ministres, mercredi. «Ces vérifications ont lieu dans un cadre judiciaire, donc nous n'avons pas de commentaires à faire», pointe l'entourage d'Emmanuel Macron. Pour plusieurs députés français, l'affaire Pegasus est une affaire burlesque, «et le burlesque ne se pique ni d'exactitude, ni de raison, ni de justice» pour reprendre les mots d'une député LREM. «Ces révélations s'apparentent à des pamphlets raisonneurs et bavards qui traitent avec une certaine liberté de détails non prouvés. Jusque là la polémique avait été à peu près abandonnée à quelques plumes militantes. Une espèce de fièvre qui prétend retenir la vérité dans une neutralité impossible» note une autre. Le ministre de la défense israélien, Benny Gantz, a assuré, mercredi 28 juillet, à son homologue française, Florence Parly, que le logiciel israélien Pegasus n'a pas été utilisé contre le président de la République française, Emmanuel Macron, disculpant de facto le Maroc. «Il a souligné que l'Etat d'Israël ne donnait des autorisations d'exportation de produits cyber qu'à des Etats et seulement pour lutter contre le terrorisme et le crime», a ajouté le ministère français. Le Monde le reconnaît : «la tentation est grande chez certains de chercher à minimiser la portée de cette affaire d'espionnage, voire de l'enterrer, alors que viennent de débuter les vacances gouvernementales et parlementaires – le conseil des ministres de rentrée est prévu le 25 août.» «C'est une affaire de Pieds nickelés, ce n'est pas le Watergate», affirme ainsi un conseiller de l'exécutif français. «Les écoutes téléphoniques ont toujours existé, il n'y a pas que les Marocains qui s'y prêtent, ajoute un autre. J'ai plus peur des géants du numérique que d'un Etat étranger, ils ont plus d'influence, quand on voit leur valorisation boursière...» «Un membre du premier cercle d'Emmanuel Macron, pour sa part, renvoie carrément vers les démentis publiés par NSO et le Maroc, qui réfutent toute mauvaise conduite.» Le Maroc et Israël ? «Ce sont deux Etats amis dont on a besoin en termes de coopération antiterroriste, de police, de justice», convient un ministre. «Nous sommes encore dans un contexte d'investigation», a assuré Gabriel Attal, estimant que les faits devaient d'abord être «avérés» et «prouvés». «On ne s'avance que s'il y a des faits probants», défend une autre ministre. Abdellatif Hammouchi, cible d'un déferlement diffamatoire depuis le déclenchement de l'affaire Pegasus, jouit de quelques bons mots de la part du Monde : «Il cultive des amitiés avec les responsables des services occidentaux, où sa connaissance des dossiers liés au terrorisme en fait une personnalité appréciée» rapporte le quotidien. «Il ne fait rien sans l'aval du roi. Abdellatif Hammouchi fait partie d'une structure, et le Maroc est un Etat très organisé. L'homme est puissant, mais il doit informer le roi de toutes les décisions qu'il prend. Aucune décision stratégique ne peut être prise sans accord royal», note le journaliste «critique» Omar Brouksy, pour qui «il a toujours la confiance du roi». «Je pense qu'il est l'homme le mieux informé du royaume, mais qu'il est très axé sur sa mission. Il a de toute évidence la confiance absolue du roi, abonde Flavien Bourrat, expert des questions politicosécuritaires au Maghreb et chercheur tout juste retraité de l'Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire (Irsem). Il fait partie de ces nouvelles générations qui n'ont pas d'ambition politique. Hammouchi va rester en poste» pointe Le Monde. Plusieurs personnalités françaises ont choisi de prendre le parti du Maroc, réfutant les allégations de la coalition médiatique. C'est le cas de Pierre Vermeren, professeur d'Histoire du Maghreb contemporain à l'université de Paris I-Sorbonne. Pour ce spécialiste du Maroc, «qu'elles soient vraies ou fausses, ces allégations ne seront jamais formellement prouvées et, d'ailleurs, personne n'a intérêt à les prouver». Toutes les agitations, les tumultes, ne suffisent pas pour cacher aux yeux les moins ouverts l'impuissance des révélations sur l'affaire Pegasus, et les haines, franches ou tacites, contre le Maroc.