La revue El-Djeïch est possédée d'un véritable délire de patriotisme, compliqué encore d'une singulière «phobie» à l'égard du Maroc qui, de jour en jour, se développe et s'épanouit comme une excroissance malsaine. Les extraits diffusés de la revue officielle de la kleptocratie-gérontocratie algérienne El-Djeïch nous offrent un échantillon bien «typique» de la façon dont procède, à l'ordinaire, la presse proche du régime. Qu'il s'agisse d'exciter les foules, d'obtenir son adhésion à certaines décisions douloureuses ou de justifier à ses yeux certaines erreurs, toujours une série de proclamations officielles et de divagations «sensationnels» sont émises, reproduites simultanément par tous les journaux qui ont le plus d'affinité avec le pouvoir, sans jamais «se mettre en règle» avec la vérité. Dans sa dernière livraison, la revue a déploré qu'il y ait «encore des parties malintentionnées qui œuvrent à aggraver la situation et qui tentent de discréditer l'Algérie et d'attenter à sa sécurité», mettant en avant le dernier discours du général de corps d'armée, Saïd Chengriha prononcé en Russie. La revue des militaires semble avoir rompu tout contact avec la réalité, en dénaturant les faits. Elle se tient sur la lisière du radicalisme antimarocain, sans y entrer tout à fait. Des commis aux écritures, des sténographes sans conscience et des sous-analystes alimentent ce canard qui commente l'actualité régionale dans le style qui est compris des chefs de fabrique et de comptoir qui le maintiennent en vie. Des espèces de greffiers qui se regardent comme chargé de dresser un procès-verbal factice et belliqueux des événements. La décision de Donald Trump de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara a été largement mise en avant par la revue algérienne. Dans son numéro de décembre 2020, elle appelait les Algériens à se «tenir prêts» à «renforcer le front intérieur» pour «faire échec à tous les complots ennemis» et «faire face à des "menaces imminentes"». Son éditorial faisait état de «la détérioration de la situation régionale le long de notre bande frontalière et [de] la menace que font peser certaines parties ennemies sur la sécurité de la région ces derniers temps». La prépondérance des opinions hostiles au Maroc est encore plus grande depuis que le Maroc a annoncé en novembre 2020 avoir lancé une opération militaire dans la zone-tampon de Guerguerat, près de la Mauritanie, pour mettre fin aux provocations du Polisario. Cette revue de contrebande n'a jamais eu la prétention de parler un langage plus poli et plus digne, elle donne libre cours à quelques déclamations passionnées sans aucun rapport avec la langue démocratique qui lui semblerait étrange et presque inintelligible. «L'entêtement de certains à tenir des grèves à un moment suspect est la meilleure preuve que ceci ne peut s'inscrire que dans une tentative de semer le trouble pour réaliser des objectifs et des intérêts qui ne vont pas dans le sens de l'amélioration de la situation professionnelle et des droits des travailleurs», a écrit El Djeich pour justifier les mesures répressives contre la contestation populaire algérienne. Elle a fustigé des grèves «suspectes», en avertissant que «la sécurité nationale [était] une ligne rouge», à l'approche des élections législatives convoquées le 12 juin, lesquelles ont été marquées par une abstention historique (77%) reflet de la désaffection et de la défiance grandissante des Algériens vis-à-vis d'une classe politique largement discréditée. Le vote, pour rappel, avait été rejeté à l'avance par le mouvement contestataire du Hirak et l'opposition laïque et de gauche, contestant une «mascarade», sur fond de répression contre toutes les voix dissidentes. Sans doute un langage plus décent contribuerait à la dignité de cette revue aux abois. Mais cette liberté d'invective n'est pas particulière à cet organe ; elle fait partie de la langue politique du pays qui traverse sa crise la plus grave. Les habitudes d'une certaine presse, en Algérie, sont les mêmes que celles des hauts cercles ; il se fait dans les deux camps la même consommation d'injures et de gros mots à l'égard de ce qui obsède l'autocratie régnante. Les Marocains, eux, sont des Athéniens. Les actes au lieu des vaines paroles. «La glorieuse Algérie» célébrée par El-Djeïch n'est pas sûrement l'Algérie où des ONG citoyennes et de défense des droits humains alertent sur la multiplication des poursuites judiciaires contre des journalistes et des militants de la contestation, pour de simples publications sur les réseaux sociaux. Un canard ou plutôt une sentinelle avancée qui a mission d'avertir plutôt que d'informer, de prévoir plutôt que de voir, de signaler les fausses tendances et non les faits. Un instrument de propagande noyé dans le passé au lieu d'être tourné tout entier vers l'avenir.