La justice a «rempli toutes les conditions d'un procès équitable» pour Soulaiman Raissouni «poursuivi pour des délits qui n'ont rien à voir avec son travail journalistique », d'après un communiqué du parquet. La sentence prononcée contre lui a fait réagir à Washington lundi, le département d'Etat s'est dit «déçu» par cette condamnation, une position sans aucun fondement. Le porte-parole de la diplomatie américaine, Edward Price, divise. «Les déclarations équivoques du département d'Etat américain sur deux affaires très médiatisées suggèrent une confusion dans les politiques de l'administration Biden envers certains des plus anciens alliés des Etats-Unis dans la région» écrit le site Inside the Nation. Alors que Price a consacré quelques mots très convenus au procès de Soulaiman Raissouni, il a refusé de commenter un autre procès, qui se tenait à huis clos depuis le 21 juin à Amman en Jordanie, où la Cour de sûreté de l'Etat s'est intéressée aux cas de Bassem Awadallah, ancien chef du bureau royal, et de Cherif Hassan ben Zaid, un cousin éloigné du roi, accusés d'avoir pris part au complot visant à renverser le monarque jordanien. Le tribunal militaire dont les magistrats sont en partie des civils a annoncé les avoir condamnés à 15 ans de prison. «La semaine dernière, deux notables jordaniens : Bassem Awadallah et Sharif Hassan ont été reconnus coupables d'avoir fomenté un coup d'Etat en Jordanie. Edward Price, le porte-parole du Département d'Etat, a décliné de commenter le verdict après une question d'un journaliste de l'Associated Press, sachant que Awadallah soit un citoyen américain. Pourtant, plus tôt dans le même briefing, Price s'est empressé de commenter une affaire judiciaire en cours au Maroc». L'ensemble de l'échange mérite d'être examiné dit Inside the Nation. QUESTION : En parlant de citoyens américains détenus, une peine et un verdict ont été prononcés en Jordanie aujourd'hui contre deux personnes, dont l'une est citoyenne américaine. Je me demande si vous avez quelque chose à dire à ce sujet. M. PRICE : Eh bien, nous suivons de près le cas de Bassem Awadallah en Jordanie. Nous prenons au sérieux toute allégation d'abus et nous insistons toujours sur l'importance de respecter les garanties d'un procès équitable et d'un traitement humain. Nous fournissons toute l'assistance consulaire appropriée conformément à notre engagement à aider les citoyens américains à l'étranger. En fait, nous avons rendu visite à M. Awadallah cinq fois depuis avril de cette année. La visite la plus récente a eu lieu il y a quelques jours à peine, le 11 juillet. QUESTION : D'accord, sauf que vous n'abordez pas le contenu de la sentence … M. PRICE : Je n'ai pas de commentaire sur le verdict (…) QUESTION : Le journaliste au Maroc dont vous avez parlé au tout début, n'est-ce pas, était-il – est-il citoyen américain ? M. PRICE : Je n'ai aucune indication qu'il soit citoyen américain. QUESTION : Mais – et pourtant vous avez une position sur le verdict dans cette affaire, mais aucune dans celle-ci. M. PRICE : Matt — QUESTION : Vous pensez que ceci – le gars en Jordanie pourrait être coupable ? M. PRICE : Chaque cas est différent. QUESTION : Je sais. M. PRICE : Nous sommes — QUESTION : C'est pourquoi je vous demande pourquoi vous n'avez rien à dire sur le verdict. M. PRICE : Nous allons – nous allons parler sur la base des faits et des circonstances tels qu'ils nous sont connus, mais évidemment ces cas sont – QUESTION : Cela signifie-t-il que vous n'êtes pas au courant des faits et des circonstances du cas de M. Awadallah ? M. PRICE : Je pense que ce qui est très clair pour nous, c'est que les journalistes, et j'espère que tout le monde ici peut être d'accord avec cela, n'ont pas leur place derrière les barreaux, qu'ils... QUESTION : Oui, non, je suis d'accord avec ça. Je ne parle pas du cas du Maroc. M. PRICE: Qu'ils ne devraient pas – QUESTION : Je parle du cas en Jordanie. Est-il vrai que dans cette situation vous n'avez pas tous les faits ou vous – vous n'êtes pas assez clair sur les faits et les circonstances du verdict, du procès que vous allez – que vous n'êtes pas assez clair pour que vous je ne peux pas me prononcer sur — M. PRICE : Ce qui est juste de dire, c'est que lorsque les faits et les circonstances sont clairs pour nous et lorsque nous déterminons que nous pouvons mieux faire avancer le ballon en parlant publiquement, nous n'hésiterons jamais à le faire. QUESTION : Merci. «Non seulement il y a des contradictions dans les commentaires des Etats-Unis sur un procès au Maroc, mais, en refusant de commenter un procès impliquant des citoyens américains en Jordanie, il existe également des contradictions claires dans l'approche américaine de l'affaire Raissouni. L'affaire Raissouni a en fait très peu à voir avec les réformes du printemps arabe de 2011 et si quoi que ce soit, les commentaires de Price semblent saper le lien entre l'affaire et l'un des résultats clairs des réformes de 2011, qui était une amélioration des droits civiques» précise-t-on. La même source indique que «l'Association marocaine pour les droits des victimes a écrit à l'ambassade des Etats-Unis pour protester contre l'ingérence des Etats-Unis dans les processus juridiques du Maroc. En effet, l'affaire est devenue virale dans un pays où jusqu'à récemment, il était difficile pour les victimes de tels crimes de s'exprimer, et encore moins contre quelqu'un en position de pouvoir». «La liberté de la presse est une valeur importante, mais il y va de même des principes fondamentaux de l'Etat de droit et de la justice pour les victimes. Dans ce cas, plutôt que pour Price, il aurait peut-être été préférable que la justice suive son cours» a-t-on conclu.