Il était un des 8 000 migrants qui sont parvenus ces derniers jours à atteindre la ville de Sebta, arrivant par la mer ou par voie terrestre. Selon sa famille, Mohamed Saber, issu de la la petite ville de Fnideq, est aujourd'hui une vie sacrifiée à l'autel d'une délégation du contrôle des frontières qui se fait par la prévalence de logiques et de dispositifs sécuritaires brutales. Très peu d'agents de la police espagnole coupables de violences ont été identifiés et retrouvés. Ils ont rarement été inquiétés. Et lorsqu'ils ont dû s'expliquer, ils s'en sont toujours sortis. Mohamed Saber était un jeune marocain compté parmi ces clandestins qui se sont trouvés sur le sol de la ville de Sebta dans l'attente d'une hypothétique traversée vers l'Europe. Selon sa famille, la responsabilité de sa mort incombe à la Guardia Civil, qui jouit d'une l'impunité judiciaire persistante en dépit de ses pratiques violentes. «Mohamed a été enterré à Sebta sans qu'on puisse lui rendre un dernier hommage. Nous réclamons une enquête urgente sur les circonstances de sa mort» a déclaré la famille du défunt. D'autres migrants ont été «accueillis» dans des hangars sur la plage d'El Tarajal, dans des conditions insoutenables. «Les autorités espagnoles auraient dû examiner sa situation et s'assurer qu'il ne ferait pas l'objet de mauvais traitements, ce que les circonstances de l'espèce et plus généralement la violence récurrente des forces de l'ordre espagnoles», aujourd'hui documentée par de nombreuses sources, pouvaient laisser présager fortement, déclare le père de M. Saber En Espagne, plusieurs affaires pénales ont été ouvertes ces dernières années concernant la mort de plusieurs migrants visés par des tirs de balles en caoutchouc et de grenades fumigènes sur la plage d'El Tarajal à Sebta alors qu'ils tentaient d'entrer à la nage dans la ville portuaire. Souvent, elles ont été classées sans suite par le juge d'instruction quand la justice n'ordonne pas la réouverture de l'instruction faute d'une enquête suffisante. «Le drame qui s'est joué à Sebta quand des migrants ont été jetés à la mer par des éléments la garde civile et de la police nationale nous a convaincu du fait que notre fils a été exposé à des mauvais traitements» renchérit la famille de Mohamed Saber. Ce malheureux incident survient alors que le Maroc a indiqué, samedi 22 mai, souhaiter une enquête transparente sur l'entrée «frauduleuse» en Espagne de Brahim Ghali, chef du Polisario dont l'hospitalisation a provoqué une crise diplomatique entre les deux pays, suivie cette semaine par un afflux inédit de migrants marocains à Sebta. Le chef du mouvement séparatiste a voyagé «avec des documents falsifiés et une identité usurpée», a affirmé samedi Fouad Yazourh, un haut responsable du ministère des Affaires étrangères au cours d'un point de presse à Rabat. Selon ce responsable, le Maroc, qui a «révélé dès le 19 avril» la présence de Ghali en Espagne, dispose d'informations sur les «complicités» dont ce dernier a bénéficié avant son départ et compte «dévoiler plus d'éléments en temps opportun». La justice espagnole a rouvert cette semaine un dossier contre Brahim Ghali pour «crimes contre l'humanité» après une plainte déposée par l'Association sahraouie pour la Défense des droits de l'homme, l'accusant de «violations des droits humains» sur des dissidents des camps de Tindouf (ouest de l'Algérie). Ghali est déjà été cité à comparaître début juin pour une autre plainte pour «tortures» déposée par Fadel Breika, un militant sahraoui. En 2014, une vidéo de policiers espagnols frappant à coups de matraque un immigrant africain avant de le ramener, inconscient, en territoire marocain a fait scandale. La victime avait tenté avec une centaine d'autres immigrants de franchir la triple clôture de six mètres de haut qui sépare le Maroc de Melilla. L'organisation locale de défense des droits de l'homme Prodein, qui a divulgué la vidéo, a condamné les méthodes brutales de la police espagnole. Dans la séquence qui a fait le tour du monde, un membre de la Guardia Civil frappe le jeune camerounais avec une matraque alors qu'il est accroché à la clôture du côté espagnol. La même année, une quinzaine d'immigrants s'est noyée dans les eaux territoriales marocaines en tentant de nager vers Sebta. Des témoins ont accusé les forces de l'ordre espagnoles d'avoir tiré des balles en caoutchouc sur eux. Le gouvernement a reconnu l'usage de cette arme.