Abdel Hamid Dbeibah, ingénieur et riche homme d'affaires de 61 ans, a été désigné vendredi Premier ministre par intérim de la Libye. Réputé proche de la Turquie et de la confrérie islamiste des Frères musulmans, il doit désormais conduire son pays vers des élections en fin d'année. Dbeibah est né en 1959 à Misrata (ouest), une cité portuaire à 200 kilomètres à l'est de Tripoli, historiquement au carrefour des routes marchandes transsahariennes et du négoce maritime en Méditerranée. Sous le régime du dictateur Mouammar Kadhafi, chassé par une révolte populaire en 2011 après 42 ans au pouvoir, la troisième ville de Libye a connu un boum industriel et économique dont beaucoup de familles de notables locaux, y compris celle du nouveau Premier ministre, ont profité. Marié et père de six enfants, Dbeibah est titulaire d'un Masters en planification et techniques du bâtiment de l'université de Toronto (Canada). Sa nomination comme Premier ministre par intérim a créé la surprise. Il a occupé plusieurs fonctions importantes sous le régime de Kadhafi, figurant dans le premier cercle des hommes de confiance de l'ancien dictateur. Il a notamment dirigé la Compagnie libyenne d'investissement et de développement (Lidco), une société étatique d'envergure. Il y a chapeauté en particulier des projets de construction, dont un millier de logements à Syrte, ville natale de Kadhafi, et un complexe administratif dans la province de Joufra. C'est dans le secteur du bâtiment que Dbeibah a fait fortune, devenant l'un des hommes d'affaires les plus prospères de Misrata, derrière son cousin Ali Dbeibah. Les deux hommes ont fait l'objet d'enquêtes en Libye et ailleurs pour des malversations. Ali Dbeibah faisait partie des 75 participants au Forum de dialogue politique –processus lancé par l'ONU en novembre à Tunis– qui a élu vendredi le nouvel exécutif par intérim composé de quatre dirigeants, à savoir le Premier ministre et un Conseil présidentiel de trois membres. Abdel Hamid Dbeibah a aussi été chef de projets de l'autre géant des investissements libyens, l'Organisation pour le développement des centres administratifs (ODAC), chargé de moderniser les infrastructures libyennes et dirigé par Ali Dbeibah de 1989 à 2011. Considéré proche d'Ankara (qui a des intérêts économiques à Misrata) et des Frères musulmans, il dirige une holding disposant de filiales partout dans le monde, y compris en Turquie. Entrée en politique Après la révolution de 2011, Dbeibah fonde le parti Avenir de la Libye, faisant une entrée timide dans la politique. Le programme qu'il a présenté parait ambitieux pour une période intérimaire d'à peine dix mois, censée sortir le pays de dix ans de chaos et l'acheminer vers des élections législatives et présidentielle en décembre. «Nous utiliserons l'éducation et la formation comme chemin vers la stabilité. Nous travaillerons pour que les organes de sécurité soient professionnels et que les armes soient sous le monopole de l'Etat. Il sera interdit de porter des armes en dehors des institutions de l'Etat», a-t-il déclaré mercredi lors d'une intervention par visioconférence devant le Forum réuni à Genève. Il veut créer un ministère pour la Réconciliation nationale, réduire l'écart des salaires des fonctionnaires, subdiviser le territoire en zones sécuritaires et résoudre «en six mois au plus» le problème des longues coupures d'électricité qu'endurent ses compatriotes depuis plusieurs années. Il promet aussi de faire revenir les gros investisseurs étrangers qui ont déserté le pays après 2011 et, pour les jeunes, créer des emplois qui ne sont pas «nécessairement dans l'armée ou la police». «S'il parvient à accomplir tout cela en dix mois, je parie qu'il restera plus que dix mois», ironise un internaute libyen sur Twitter.