Des dizaines d'organisations ont protesté vendredi contre des dérives policières en Tunisie, appelant à sanctionner les débordements de syndicats de policiers qui ont menacé des manifestants antisystème mobilisés ces dernières semaines. Dix ans après la chute du régime policier de Zine el Abidine Ben Ali, les forces sécuritaires ont été peu réformées, en dépit des avancées notables en matière de droits dans le pays, estiment plusieurs organisations nationales. La Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH), l'Union des femmes démocrates, divers partis politiques de gauche ainsi qu'une trentaine d'associations, ont ainsi appelé dans un communiqué conjoint à manifester samedi. Selon eux, la répression a pris un «tournant dangereux», avec parfois des anathèmes religieux, tandis que certains syndicats policiers «se transforment en partis d'extrême droite doublés de milices armées». Le principal syndicat tunisien, l'UGTT, a également appelé, dans un autre communiqué, à manifester «contre la culture de l'impunité». Des organisations policières ont de leur côté exigé une interdiction des rassemblements. Mi janvier, plus de 1 500 jeunes selon la LTDH ont été arrêtés, et un protestataire tué lors de heurts dans des quartiers pauvres entre des jeunes et des policiers. A la suite de ces événements, des manifestants avaient défilé à plusieurs reprises dans divers villes pour réclamer la libération de ces jeunes, et dénoncer la réponse sécuritaire du gouvernement aux troubles sociaux. Des militants ont indiqué avoir été arrêtés en dehors du cadre légal, harcelés, intimidés, ou ont dénoncé la diffusion de photos et données personnelles sur les réseaux sociaux. L'ONG Human Rights Watch a elle appelé vendredi Tunis à enquêter sur la mort de Haykel Rachdi, 21 ans, blessé selon sa famille par une cartouche de gaz lacrymogène tirée par la police le 18 janvier à Sbeïtla (nord). Des associations, dont le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) et l'Association de jeunesse Mobdiun, ont par ailleurs condamné dans un communiqué vendredi les «insultes, propos homophobes et sexistes» diffusés sur les réseaux sociaux par des syndicats de police. Elles regrettent le «silence assourdissant» du chef du gouvernement tunisien Hichem Mechichi, actuellement ministre de l'Intérieur par intérim. Ces troubles ont éclaté à une période de l'année souvent marquée par des mobilisations sociales, alors que le chômage et l'abandon scolaire ont été exacerbés par la pandémie de coronavirus.