L'Union européenne a, dans une note confidentielle récemment dévoilée, mis le doigt sur les principaux problèmes de l'Algérie en particulier l'absence de stratégie économique. Les économistes de l'UE qualifient l'Algérie de «bombe à retardement» lorsqu'ils évoquent le «pays le plus instable d'Afrique du Nord après la Libye», déclare un expert français dans une analyse qu'il a menée en juin 2019. Dans cette note confidentielle, récemment dévoilée par le site algeriapartplus.com, l'expert a mis en garde la délégation de l'Union européenne à Alger contre «les conséquences cauchemardesques d'un effondrement économique» du pays le plus peuplé de la région. La note, rédigée par Hervé Bougault, directeur de l'Agence française de développement (AFD) à Alger, analyse principalement les grandes faiblesses de l'économie algérienne en pleine tourmente politique. L'Algérie est au bord de la faillite et pourrait apporter une stabilité régionale à sa chute, a averti la note, qui est toujours d'une actualité poignante, commente le site algérien. L'absence d'un portefeuille ministériel pour l'économie et «sans une stratégie globale, le gouvernement aurait du mal à soutenir un nouveau modèle de croissance économique. Cette absence rend difficile le dialogue sur la politique économique avec l'Union européenne», souligne la note confidentielle rédigée à peine quatre mois après l'épidémie du Hirak qui a fait tomber le président Abdelaziz Bouteflika en avril de la même année. Le document pointe ainsi le manque de compétences du régime algérien concernant la gouvernance de la composante économique, et appelle l'Union européenne à faire pression sur l'Algérie pour la création d'un audit des politiques économiques et la nécessité de la création d'un groupe de travail pour faire face aux conséquences économiques de la crise politique et projeter des choix économiques à plus long terme. Le même document n'hésite pas à souligner la déconnexion du mouvement de contestation populaire algérien, connu sous le nom de Hirak, des enjeux économiques qui sont pourtant déterminants pour l'avenir de l'Algérie. La note confidentielle destinée à la délégation de l'Union européenne à Alger constatait ainsi «l'absence de préoccupations économiques dans les revendications du Hirak». La note exprime en revanche la très grande inquiétude soulevée par la situation économique dans laquelle l'Algérie glisse depuis juin 2019. «Les acteurs publics et privés ne souhaitent pas s'engager dans une économie qui morfle et craignent d'être mis en examen» à la suite de nombreuses arrestations «qui ont affecté les dirigeants de grandes entreprises et organisations nationales», souligne le document, qui insiste sur la panique qui a saisi les «directeurs centraux de l'administration algérienne». A ce propos, Hervé Bougault précise dans sa note que les dirigeants «ne signent pas de nouveaux contrats publics, les banquiers sont prudents et suspendent leur financement, et les douaniers ne passent pas les douanes de peur d'être accusés de surfacturation». La note juge également plus urgente que jamais un certain nombre de réformes pour empêcher l'Algérie de sombrer dans une situation économique et financière dramatique. «Des réformes, en particulier sur les subventions, sont nécessaires. Cependant, leurs répercussions sur les nécessités de base peuvent présenter un risque social. les parties prenantes ont été invitées à faire preuve de prudence pour éviter une explosion sociale», indique le responsable de l'Agence française de développement, qui appelle à ce que les futures réformes se concentrent sur la promotion de la transparence et la modernisation de l'administration, la modernisation du secteur bancaire sous-développé ainsi que la révision de la rente des Moudjahedin (les anciens combattants). Cependant, pour mener à bien ces réformes vitales, l'Algérie a besoin de nouveaux dirigeants compétents pour remplacer le club des gérontocrates qui ne peuvent pas se projeter sur les réalités du XXIe siècle, des dirigeants compétents qui sauront utiliser le potentiel du pays pour surmonter les des difficultés. Cependant, lorsque cette note a été rédigée, l'Algérie disposait encore de plus de 80 milliards de dollars de réserves de change et le prix du pétrole se situait entre 65 et 70 dollars le baril. Aujourd'hui, l'Algérie reconnaît que ses réserves de change sont tombées à 29 milliards de dollars, ce qui ne peut couvrir que 8 mois d'importations, alors qu'un baril de brent se situe aux alentours de 50 dollars le baril. Cela signifie que la situation est bien plus explosive qu'avant.