La crise pandémique a mis à nu les fragilités du système de santé marocain en 2020. Pénuries de ressources humaines, disparité entre les zones urbaines et rurales ou encore des dépenses publiques insuffisantes sont parmi les difficultés auxquelles le système de santé marocain a été confronté cette année. « Au début de l'épisode pandémique au Maroc, les professionnels libéraux de santé n'ont eu accès que tardivement aux moyens de protection et leur implication insuffisante dans la permanence des soins a généré une pression chronique sur les urgences publiques. En outre, le retard en matière de suivi à domicile et de télémédecine apparaît aussi préjudiciable aujourd'hui », indique Dr Salim Arbaoui, cardiologue et consultant en management et financement de la santé. Le Maroc est appelé aujourd'hui à rendre son système de santé plus résilient pour faire face à la crise. Avec 7 médecins environ pour 10 000 habitants, le Royaume est en sous-effectif de personnel soignant et ne remplit en aucun cas les critères établis par l'OMS qui stipulent qu'il faut un médecin pour 650 habitants. Il fait d'ailleurs partie du palmarès des 57 pays du monde, identifiés par l'OMS, comme présentant une offre médicale insuffisante. « Le Maroc a besoin au moins de trois fois plus de médecins et d'infirmiers. Il faut ainsi miser davantage sur la formation et penser à mettre en place de nouvelles facultés de médecine et d'écoles d'infirmerie dans toutes les régions du pays », souligne l'expert dans une déclaration à Barlamane.com/fr. Par ailleurs, Dr Salim Arbaoui précise que le système de santé marocain est complètement inadapté aux besoins et aux attentes des patients, notant ainsi que les problèmes des délais d'attente trop longs, de l'absence de coordination entre les services persistent toujours. Dans ce cadre, il faut s'engager dans des réflexions qui portent sur le travail et la formation du personnel de santé et la façon dont le système dans son entièreté perçoit le patient. Il fait également observer que l'évolution de l'offre hospitalière reste lente par rapport à celle de la population générale. De plus, la couverture par le privé pose le problème de sa distribution limitée souvent à l'urbain et aux grandes villes. A la problématique de la pénurie globale des ressources humaines, s'ajoutent ainsi de grandes inégalités territoriales en matière d'offre de soins. « Il faut donc penser à des politiques luttant contre les inégalités sociales et territoriales d'accès à la santé et miser sur une démocratie sanitaire qui est un enjeu majeur pour la réussite de toute politique de santé. Il est également essentiel de renforcer la base des bénéficiaires de la couverture médicale », a-t-il ajouté tout en soulignant l'importance d'un partenariat privé-public et en plaidant pour une revalorisation du secteur public. « Les PPP peuvent permettre au secteur public de solliciter le savoir-faire dont il ne dispose pas pour optimiser le cycle de ses projets et atteindre plus rapidement ses objectifs », a-t-il indiqué. L'expert en management sanitaire rappelle que le ministère de la Santé bénéficiera d'un effort budgétaire continu au titre de la LF 2021, portant son budget à près de 20 MMDH. En outre, 5 500 postes budgétaires sont programmés contre 4 000 postes accordés en 2020. « Certes, il s'agit d'un effort louable mais il faut toutefois penser à une augmentation du budget du département de la Santé à 12% du PIB au lieu de 5,5%. Il faut également penser à une refonte et à une rationalisation des dépenses de santé étant donné que la moitié des dépenses de santé est financée par les impôts et les cotisations sociales », a-t-il conclu. Dr Salim Arbaoui recommande ainsi d'élaborer une politique nationale ciblant en priorité les régions défavorisées, le monde rural et les populations pauvres ou vulnérables. Il propose également de décliner une stratégie sectorielle de PPP, régionaliser et augmenter les capacités de formation et de recrutement et mettre en place des mesures incitatives pour assurer la disponibilité et la stabilité du personnel soignant dans les zones défavorisées.