Les analystes parlent de l'Algérie entrant dans une phase post-Tebboune alors que le président du régime, affaibli poursuit toujours son traitement à l'étranger. L'implication de Paris dans la promotion de l'idée d'une nouvelle «transition politique» en Algérie a provoqué plusieurs réactions après les contacts pris par l'ambassadeur de France à Alger avec des personnalités, des associations et des médias en lien avec l'absence continue du président Abdelmajid Tebboune de la scène. M. Gouyette, selon des sources, a tenté de lancer des ballons de test à travers ses contacts afin de sonder les réactions de la rue et de la classe politique, d'autant plus que l'absence du président de la république pour un traitement médical à l'étranger est devenue une source d'alerte, annonciatrice d'une autre crise politique en Algérie. L'ambassadeur de France en Algérie a engagé une série de contacts non déclarés avec des personnalités, des associations et des médias locaux, dont le contenu n'a pas été divulgué, mais qui sont allés dans le sens de la cristallisation d'une phase de transition politique dans le pays, selon des indications partagées dans certains cercles étroits algériens. La démarche de l'ambassadeur français est survenue dans la foulée des déclarations du président Emmanuel Macron à l'hebdomadaire Jeune Afrique sur le fort soutien qu'il a exprimé au président Tebboune dans la «période de transition» en Algérie. Les déclarations ont été considérées comme le signe d'un glissement encore flou, mais qui favorise le scénario d'un retour à une phase transitoire en Algérie, à la suite du vide qui serait créé par l'impossibilité du président Tebboune de reprendre ses fonctions constitutionnelles compte tenu de son hospitalisation depuis le 15 octobre dernier. Les observateurs des affaires algériennes ont évoqué l'entrée de l'Algérie dans une phase post-Tebboune, alimentée par des informations indiquant l'impossibilité du prompt retour normal du président pour honorer ses fonctions et reprendre les rênes du pays. Malgré une brève apparition publique, le 13 décembre, l'état du président reste enveloppé de mystère, même si la présidence de la république n'arrête pas de parler de ce dernier en voie de «guérison et qu'il quitterait l'hôpital pour entamer une phase de récupération en prévision de son prochain retour dans le pays. « Plusieurs scénarios ont été envisagés. L'expert constitutionnel Ridha Dagbar, très lié au mouvement Hirak, a évoqué trois scénarios circulant au sein de la véritable autorité du pays, qui est l'establishment militaire qui rythme la voie politique, à la suite de la destitution de l'ancien président Abdelaziz Bouteflika début avril 2019, sous la pression des dirigeants de l'armée. «Le premier scénario serait d'activer l'article 102 de la Constitution traitant d'une vacance au poste de président de la République et qui stipule la tenue d'élections présidentielles anticipées, mais l'obstacle ici est l'absence de consensus sur un candidat spécifique au pouvoir. Le deuxième scénario serait de réitérer le scénario arrivé avec l'ancien président, et de diriger le pays depuis les coulisses au nom du président Tebboune, mais ce serait une option difficile à mettre en œuvre en raison de la méfiance de l'opinion publique interne et des principaux partenaires étrangers de l'Algérie. Alors que le troisième scénario serait de cristalliser une phase de transition avec l'aide de Paris afin de gagner plus de temps jusqu'à ce qu'un candidat approprié, capable de contribuer à combler le fossé avec la rue et d'obtenir le consentement des partenaires étrangers, puisse être trouvé», a expliqué Dagbar. Tout sur la «transition» Les analystes n'excluent pas que la proposition de phase de transition en Algérie, qui circule depuis un certain temps déjà, et la mise en ligne de Paris pour la promouvoir sont le fruit d'une entente entre les deux parties. Cependant, les sensibilités de longue date qui ont marqué les relations algéro-françaises ont commencé à susciter des réactions et des positions rejetant toute ingérence française dans les affaires intérieures du pays. Ces réactions ne sont pas venues d'institutions officielles ou quasi-officielles, comme ce fut le cas avec la pétition du Parlement européen. Au lieu de cela, ils provenaient de partis politiques fidèles aux autorités, tels que le Rassemblement national démocratique et le Front de libération nationale, ce qui indique que la question ne sera pas aussi simple que l'avaient imaginé les partisans de la phase de transition. La députée Amira Selim, représentant la communauté algérienne en Afrique et dans le monde arabe, a posté sur sa page Facebook officielle que «l'ambassadrice de France utilise le vide dans notre vie politique pour semer le chaos et l'incitation... Non à la phase de transition, quel qu'en soit le prix, et le Parlement lui tiendra tête.» «L'ambassadeur reçoit dans son ambassade les promoteurs de la phase de transition, sous prétexte de soutenir le droit à la libre expression politique et de défendre les droits de l'homme, et j'exige que le ministre des Affaires étrangères convoque l'ambassadeur de France et proteste contre son comportement inacceptable, et ce responsable doit comprendre que l'Algérie ne fait pas partie des républiques bananières», a-t-elle ajouté. Dans le même ordre d'idées, l'ancien député du Front de libération nationale, Kamel Ben Larbi a écrit sur Twitter: «J'ai remarqué la mention fréquente dans les médias, citant des partis politiques, de manœuvres suspectes et de réunions secrètes avec les partis politiques et médiatiques par le nouvel ambassadeur de France. en Algérie.» «J'appelle les autorités, y compris le ministre des Affaires étrangères, à intervenir et à vérifier cette information et ses détails, car cette question ne doit pas passer inaperçue, car la question est liée à la souveraineté non négociable de l'Etat algérien», a-t-il ajoutée. Il semble qu'il y ait des perceptions contradictoires sur la phase de transition politique en Algérie. Si elle était dans le passé rejetée par les autorités qui ont succédé au régime de l'ancien président Bouteflika, avec son adhésion à l'époque au recours à des solutions constitutionnelles à la crise, elle est désormais devenue l'une des options envisagées par les autorités, même partiellement. La transition politique était l'une de ses revendications de l'opposition au début du Hirak, qui cherche à faire entendre sa voix sur le déroulement politique de son pays.