Un changement de ton plutôt qu'un véritable bouleversement des engagements américains au Moyen-Orient. L'accession de Joe Biden à la Maison Blanche et l'éviction de Donald Trump devrait insuffler une nouvelle dynamique sur le terrain des relations avec les pays du Moyen-Orient sans pour autant rabattre les cartes. Un Joe Biden à la tête des États-Unis changera-t-il la donne au Moyen-Orient ? Dans la région et tout particulièrement pour les pays du Golfe, la défaite électorale de Donald Trump marquera la fin d'une politique tonitruante, ultra-favorable à l'Arabie saoudite et à Israël et vigoureusement hostile à l'Iran. Mais celle de Joe Biden ne devrait toutefois pas bouleverser les grandes alliances. Au cours des quatre dernières années, les États-Unis de Donald Trump se sont retirés unilatéralement de l'accord nucléaire sur l'Iran, ont assassiné le puissant général iranien Qassem Soleimani, transféré l'ambassade américaine en Israël à Jérusalem et réduit leur présence militaire dans la région. Le gendre et conseiller de Donald Trump, Jared Kushner, chargé d'œuvrer à un processus de paix régional, a lui renforcé ses relations amicales avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et développé celles avec le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, non sans controverses à la clé. Dans une région aussi riche en pétrole qu'en tensions politiques, l'administration Biden va devoir recentrer la politique américaine et s'atteler au respect de certaines « valeurs » démocratiques, estime le Conseil européen des relations extérieures (ECFR) dans un rapport. « Joe Biden a clairement indiqué son intention de réintégrer le JCPOA [Joint Comprehensive Plan of Action, accord nucléaire de Vienne conclu en 2015] si l'Iran s'y conforme complètement » et de reprendre un « dialogue diplomatique avec Téhéran sur des questions plus larges », relève-t-il. Silence de Riyad après la victoire de Biden Premier constat : les dirigeants arabes de la région se sont précipités pour féliciter Joe Biden après l'annonce de son succès samedi, à l'exception du poids lourd saoudien. Riyad est l'exemple le plus abouti des liens chaleureux tissés par Donald Trump avec les monarchies du Golfe, dans un contraste saisissant avec ceux de son prédécesseur Barack Obama et de son vice-président, Joe Biden. En 2017, Donald Trump avait réservé au royaume sa première visite à l'étranger en tant que chef d'État. Et il ne fait aucun doute que « les responsables saoudiens étaient favorables à une deuxième présidence Trump », observe Elham Fakhro, chercheuse sur le Golfe à l'International Crisis Group (ICG). « Ils considèrent que Trump a agi pour protéger leurs intérêts régionaux les plus importants, en imposant une campagne de pression maximale à l'Iran et en soutenant la vente d'armes au royaume », dit-elle. Sous Donald Trump, la Maison Blanche avait repoussé les résolutions anti-saoudiennes du Congrès à majorité démocrate, notamment sur la guerre controversée au Yémen, où l'Arabie saoudite intervient militairement à la tête d'une coalition depuis 2015. L'administration Trump avait également montré un soutien sans faille lorsque Riyad avait été confronté au tollé lié à l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en octobre 2018. Une relation plus mesurée avec l'Arabie Saoudite « Au regard du leadership erratique du prince héritier Mohammed ben Salmane », « de son rôle présumé » dans l'affaire Khashoggi et de la « guerre désastreuse au Yémen », les États-Unis de Joe Biden « pourraient désormais chercher à peser le pour et le contre » dans leur relation avec Riyad, avance le centre de réflexion Soufan basé aux États-Unis. Au-delà de l'Iran et du Golfe, Joe Biden devra s'attaquer à plusieurs autres dossiers régionaux, dont la Libye, l'activisme forcené du président turc, Recep Tayyip Erdogan, et évidemment le conflit israélo-palestinien. Reprise de l'aide américaine aux Palestiniens ? Selon les analystes, l'une des premières mesures à prendre sera de rétablir le contact, rompu sous Donald Trump, avec les Palestiniens. Sur ce dossier aussi, « la plupart des gouvernements européens » vont pousser « un profond soupir de soulagement », estime l'ECFR. Mais si la pression américaine sur les pays arabes pour normaliser les liens avec Israël a renforcé l'ire des Palestiniens, il est peu probable que Joe Biden s'opposent aux liens noués entre l'État hébreu d'un côté, les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan de l'autre. Le nouveau président devrait « au moins réduire les conséquences les plus négatives de l'ère Trump », en reprenant l'aide américaine aux Palestiniens, en rouvrant la mission palestinienne à Washington et en revenant à la position classique d'une solution à deux États, résume l'ECFR.