Dix-sept personnes demandaient la condamnation de l'Etat au civil pour des violences et des discriminations commises entre 2014 et 2016 à Paris. C'est une victoire pour ceux qui dénoncent les dérives discriminatoires pouvant découler des contrôles d'identité. La justice a condamné, mercredi 28 octobre, l'Etat pour « faute lourde », eu égard à des faits de violences policières, de contrôles d'identité injustifiés et d'arrestations irrégulières de mineurs ayant eu lieu entre 2014 et 2016 à Paris. La procédure avait été portée au civil par dix-sept adolescents et jeunes adultes. Elle concerne des violences et des discriminations commises par onze policiers d'une brigade du 12e arrondissement. Les requérants, âgés de 11 à 18 ans au moment des faits, avaient d'abord déposé une plainte collective au pénal le 17 décembre 2015, dénonçant – entre autres – agressions verbales, physiques et sexuelles lors de contrôles d'identité, ainsi que discriminations et interpellations arbitraires. «Contrôles intervenus sans motif régulier» Dans ce volet, trois policiers avaient ainsi, en avril 2018, été condamnés à cinq mois de prison avec sursis pour des violences. Toutefois, ils ont été relaxés en appel le 23 octobre, le reste des faits ayant été classé sans suite. En 2019, les jeunes Parisiens avaient alors engagé une action civile, sur laquelle le tribunal a tranché mercredi. Ce dernier, sur les 44 faits dénoncés, a estimé qu'«aucune présomption de discrimination» n'avait été «démontrée par les demandeurs» (ainsi que fait état le jugement, consulté par l'Agence France-presse). En revanche, «les contrôles sont intervenus sans motif régulier» dans cinq cas, stipule-t-il. Est notamment citée une opération du 6 janvier 2016, au cours de laquelle «l'intéressé a été contrôlé parce qu'il a pris la fuite à la vue des policiers, circonstance insuffisante pour soupçonner qu'il avait commis ou tenté une infraction, ou qu'il préparait un crime ou un délit». Le tribunal a aussi jugé que les policiers avaient fait usage de la violence de manière illégitime ou disproportionnée à cinq reprises, pour lesquelles il est fait notamment état de «coups au visage et sur le corps», de «gifle » et d'un «étranglement». La «discrimination systémique» non retenue Enfin, en neuf occasions, «des transports et rétentions au local de police sont intervenus en dehors du cadre prévu par la loi», notamment pour des vérifications d'identité «injustifiées», attendu que cette dernière était «déjà connu». Le tribunal a condamné l'Etat à verser à onze des demandeurs un total de 40 500 euros à titre de dommages et intérêts – en tant que victimes d'un dysfonctionnement du service public de la justice – ainsi que 18 000 euros en frais de justice. Ces derniers réclamaient respectivement 50 000 et 10 000 euros pour chacun d'entre eux. «On est très, très contents de cette condamnation. C'est important, c'est essentiel», a réagi leur avocat, Me Slim Ben Achour. «Malheureusement, la discrimination systémique n'a pas été retenue », mais « on aura d'autres occasions», a-t-il assuré. En 2016, l'Etat avait été condamné pour des contrôles d'identité «au faciès». La Cour de cassation avait estimé qu'un contrôle d'identité discriminatoire constituait une «faute lourde», qui engageait sa responsabilité.