Le chef de l'Etat a demandé de «résister à toute tentative» d'utilisation de ces crimes «pour mobiliser selon des lignes raciales». Le meurtre d'un fermier blanc, deux suspects noirs arrêtés, des manifestations virulentes... Le président sud-africain a appelé au calme, lundi 12 octobre, soulignant que les tensions raciales liées à ces incidents rappellent tristement que l'Afrique du Sud reste en convalescence de l'apartheid. Après une semaine de tensions croissantes, Cyril Ramaphosa a laissé passer le week-end pour s'exprimer, jurant qu'il ne laisserait personne rallumer «le brasier de la haine raciale». Samedi, des centaines d'agriculteurs blancs avaient manifesté en famille devant le siège du gouvernement, à Pretoria. Brandissant un poing rageur ou posant un genou à terre en prière silencieuse, ils avaient conjuré l'Etat de condamner les meurtres de fermiers blancs, qui se multiplient, et de prendre des mesures pour les protéger. «Nous sommes là pour dire au monde entier qu'il y a un gros problème en Afrique du Sud. Quelque chose qui couve depuis vingt-cinq ans» (date correspondant à l'arrivée de Nelson Mandela au pouvoir), a déclaré Andre Pienaar, acclamé par une foule en colère dans laquelle on pouvait voir des visages noyés de larmes. «Une plaie purulente» M. Pienaar a été accusé d'incitation à la violence et de « terrorisme », vendredi, trois jours après une manifestation tendue dont il est le meneur présumé. Des fermiers, en grande majorité blancs, avaient alors mis le feu à une voiture de police devant le tribunal où étaient entendus les deux suspects du meurtre de Brendin Horn, un agriculteur de 22 ans. Dans la foulée de son inculpation, des voix, notamment blanches, s'étaient indignées que M. Pienaar soit ainsi traité, accusant à leur tour la justice de biais racial. Cyril Ramaphosa a joué l'arbitre pour dépassionner un débat aussi récurrent que délétère. Et deux ministres (justice et sécurité) ont annoncé qu'ils se rendraient mardi au chevet de la famille du jeune homme dont on a retrouvé le corps accroché à un poteau, une corde autour du cou, la semaine dernière. «Il serait naïf de partir du principe que les relations raciales dans les zones rurales sont harmonieuses depuis l'avènement de la démocratie», écrit le chef de l'Etat dans un texte publié par la présidence. «Ce qui s'est passé à Senekal», ville du Free State (centre) à plus de 200 km au sud de Johannesburg, «montre à quel point le brasier de la haine raciale peut facilement être allumé» et que «nous ne sommes pas débarrassés des divisions et des méfiances du passé», poursuit-il : «Le meurtre brutal de ce jeune fermier blanc, par des hommes noirs vraisemblablement, suivi du spectacle de fermiers blancs qui prennent d'assaut un poste de police pour s'en prendre à un suspect noir, rouvre des plaies qui remontent à plusieurs générations.» Plus de 50 homicides par jour Le président a appelé à «résister à toute tentative» d'utilisation de ces crimes «pour mobiliser selon des lignes raciales», s'insurgeant contre les groupes de pression blancs qui évoquent un «nettoyage ethnique», voire un «génocide» des fermiers blancs. Il a estimé, s'appuyant sur «de nombreuses études», que la plupart des meurtres dans les campagnes sont le résultat d'actes crapuleux, «opportunistes». «Affirmer que les crimes commis dans les fermes font partie d'un plan orchestré de la part de Noirs pour chasser les Blancs de leurs terres n'est simplement pas étayé par les faits», a-t-il prévenu. Cyril Ramaphosa a rappelé la réalité d'un pays marqué par une forte criminalité et dans lequel la majorité des victimes de crimes violents restent «noirs et pauvres». Selon les dernières statistiques policières, le pays comptabilise 58 homicides par jour. Les attaques contre des fermes blanches, moins nombreuses pendant le confinement, ont repris de plus belle depuis juin. Selon AfriForum, un groupe défendant les intérêts de la minorité blanche, 292 attaques de ce type ont été recensées cette année, dont 38 meurtres. La fédération agricole Agri SA a salué le discours conciliateur de M. Ramaphosa, estimant que le pays était «pris dans un cercle vicieux de criminalité».