Rien n'est parvenu jusqu'à présent à ramener les deux courants du PJD vers un terrain d'entente. Ils semblent être entrés dans une guerre de tranchées dont la cible n'est que le chef du gouvernement. Plusieurs membres du Parti justice et développement (PJD, islamiste), qui mène la coalition gouvernementale, ont lancé un mouvement destiné à forcer le départ de son secrétaire général, Saad Dine El Otmani. En même temps, de nombreux caciques de la formation islamiste ont appelé à «éliminer» les voix qui s'opposent au chef du gouvernement, notamment après le lancement d'un mouvement correctionnel, lequel a amorcé une campagne de collecte de signatures pour convoquer un congrès exceptionnel censé évincer le secrétariat général du parti. Aux affaires depuis 2011, les islamistes ont été reconduits pour un second mandat de cinq ans à la tête du gouvernement en 2016. Ils traversent une grave crise interne marquée une entente qui s'oblitère, alors que toutes les grandes questions sont abandonnées à la force des mots. El Otmani, dépourvu des dons extérieurs de son prédécesseur qui font de l'effet sur les foules ; rachète par des qualités consensuelles ce qui lui manque du côté de la vigueur électrique. Neuf ans au pouvoir ont émoussé la popularité du PJD. Avec un bilan en demi-teinte, ce parti, accusé par ses détracteurs d'incurie, a cantonné son action à la sphère économique et sociale, sur un élan plutôt libéral et dans un contexte difficile marqué par une crise sanitaire qui perdure. Le congrès que veulent tenir les opposants d'El Otmani revêt une importance particulière que lui donnent la proximité des élections législatives et régionales de 2021. Une source fiable au sein du PJD a révélé que les poids lourds du parti font pression pour congédier les refuzniks; qu'ils soient dans la jeunesse du parti ou au niveau des différentes directions du parti. Selon les sources de barlamane.com, un système de défiances mutuelles et une guerre de rumeurs sourdes dont El Otmani avait été depuis quelques mois la cible universellement désignée, se sont installés. Ses opposants veulent le pousser à une abdication forcée ; au prix même de tiraillements intérieurs et d'une lutte funeste. D'où vient la faiblesse du parti islamiste en dépit du chiffre de ses membres ? La raison qu'en ont donnée les sources questionnées est que le parti, s'il s'est accru numériquement, a perdu en homogénéité. Un membre du Conseil national du PJD et l'ancien chef de sa délégation en Allemagne, Anas Hayouni, ont révélé que Mohamed Najib Boulif, ancien ministre et membre du conseil politique du PJD, a envoyé un courrier aux membres du parti en Allemagne, les invitant entre continuer à travailler au sein du parti, ou le quitter, à la suite de leur participation à la campagne de collecte de signatures. L'ancien responsable du PJD a déclaré dans un message sur son mur Facebook que «l'étrange courrier de M. Boulif survient quelques heures seulement après que la jeunesse du parti eut lancé son mouvement correctionnel», se demandant «si les deux événements se liés». Il est à noter que la liste des signataires, dont barlamane.com détient copie, compte des membres du Conseil national du Parti, des membres du Comité central en plus de membres de nombreuses directions régionales et nationales. En résumé, l'importance du congrès voulu réside dans le choix d'un remplaçant à El Otmani pour présider aux destinées prochaines du parti. Un certain nombre de dirigeants et de membres de la jeunesse du Parti de la justice et du développement avaient également annoncé qu'ils s'acheminaient vers la déclaration de leurs revendications lors d'un congrès exceptionnel, qui marque sans doute une cause d'affaiblissement au dedans et au dehors. Saad Dine El Otmani a été, auparavant, secrétaire général du PJD (2004-2008). Battu lors du 6e congrès du PJD, en juillet 2008, par Abdel-ilah Benkiran, son rival à la tête du mouvement islamiste depuis les années 1980, il cherche à garder la mainmise sur son parti.