Le « nouveau Pacte sur la migration et l'asile » présenté, mercredi, par la Commission européenne, a pour objectif de remplacer le controversé règlement Dublin et de rendre obligatoire la « solidarité » de tous les membres de l'Union européenne avec les pays de première arrivée de migrants, lorsque ces derniers sont « sous pression ». Bruxelles a présenté, mercredi 23 septembre, une épineuse réforme, cinq ans après la crise des réfugiés de 2015. L'incendie, il y a quinze jours, du camp de migrants de Moria, sur l'île grecque de Lesbos, a encore rappelé l'urgence d'une politique commune de l'asile, qui n'a cessé ces dernières années de buter sur les divisions entre États membres. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a défendu un équilibre « juste et raisonnable » entre « responsabilité et solidarité » entre les 27. « Nous devons trouver des solutions pérennes sur la migration », a-t-elle déclaré. Ce « nouveau Pacte sur la migration et l'asile » doit rendre obligatoire la « solidarité » de tous les pays de l'UE avec les États de première arrivée de migrants, comme la Grèce, l'Italie ou Malte, lorsque ces derniers sont « sous pression ». Il prévoit également que les pays qui ne veulent pas prendre des demandeurs d'asile en cas d'afflux devront participer au renvoi des déboutés du droit d'asile depuis le pays européen où ils sont arrivés vers leur État d'origine. Sujet épineux Une façon de contourner le refus persistant de pays comme ceux du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) d'accueillir des demandeurs d'asile, qui a abouti à l'échec des quotas de répartition décidés après 2015. Mais le sujet s'avère épineux, certains jugeant les alternatives à la relocalisation irréalisables pour des petits pays qui n'en ont pas forcément les moyens. La Commission veut également accélérer les procédures d'examen de l'asile, pour déterminer rapidement si une personne est manifestement éligible, et éviter que des demandeurs ne vivent, plongés « dans l'incertitude », dans des camps. Afin d'augmenter les retours, qui ne sont effectifs que pour moins de 30 % des cas, l'exécutif européen veut travailler plus « étroitement » avec leurs pays d'origine. « Il y a beaucoup de pays avec lesquels l'Europe commerce, que l'Europe soutient par de l'aide au développement, par une présence en matière de sécurité et qui aujourd'hui n'acceptent pas de reprendre le moindre ressortissant dans le cadre de reconduites », souligne le secrétaire d'État français aux Affaires européennes, Clément Beaune. « Cela n'est pas acceptable, je crois qu'on a les moyens, même si c'est difficile bien sûr, de changer cela, de mettre parfois plus de pression », explique-t-il, citant parmi les leviers possibles la délivrance de visas. Un « mécanisme de solidarité obligatoire » Le nouveau système prévu par la Commission doit remplacer le règlement Dublin, clé de voûte du système actuel qui a cristallisé les tensions en faisant peser sur le premier pays d'arrivée d'un migrant la responsabilité de sa demande d'asile. Ce pacte propose encore de mettre à l'abri des poursuites judiciaires les ONG qui sauvent des migrants en mer. Et révise le principe consistant à confier au premier pays d'entrée d'un migrant dans l'UE la responsabilité de traiter sa demande d'asile. Car dans la proposition de la Commission, le pays responsable de la demande pourra être celui dans lequel un migrant a un frère ou une sœur, dans lequel il a travaillé ou fait ses études. Ce sera aussi celui qui a délivré un visa à un migrant qui devra se charger de la demande d'asile. Sinon, ces pays de première arrivée resteront chargés de la demande. Est également prévu un processus accéléré pour écarter plus rapidement les migrants qui sont peu susceptibles d'obtenir une protection internationale. Il s'agit, selon la Commission, de ceux venant des pays ayant un taux de réponse positive aux demandes d'asile inférieur à 20%, comme la Tunisie ou le Maroc. Pour ceux-là, le traitement de la demande d'asile se fait à la frontière et dans un délai de 12 semaines. Enfin, si un pays est soumis à une « pression » migratoire, et estime ne pas pouvoir assumer la prise en charge des migrants, il peut demander l'activation d'un « mécanisme de solidarité obligatoire », qui doit être décidé par la Commission. Bruxelles évalue le nombre de migrants à prendre en charge : tous les États sont mis à contribution, en fonction de leur poids économique et de leur population. Mais ils ont le choix entre accueillir des demandeurs d'asile, « parrainer » le renvoi dans son pays d'un migrant n'ayant pas le droit de rester dans l'UE, ou aider à la construction de centres d'accueil notamment. La répartition des demandeurs d'asile « ne marchera pas » Très attendue et plusieurs fois repoussée, la proposition de la Commission, qui devra être endossée par les États membres et le Parlement, promet des discussions difficiles. Le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, a estimé, que la répartition des demandeurs d'asile en Europe « ne marchera pas ». « Nous pensons que la répartition en Europe a échoué et que de nombreux États la rejettent », a estimé le chef du gouvernement autrichien, âgé de 34 ans, en référence aux pays d'Europe centrale qui refusent d'accueillir des migrants arrivés en Grèce ou en Italie. « Cela ne marchera pas ainsi, mais en protégeant mieux les frontières extérieures, en luttant ensemble contre les trafiquants et en envoyant de l'aide sur place », a-t-il ajouté. De son côté, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, ne s'attend pas à ce qu'elle déclenche « des hourras », mais espère qu'elle sera vue comme un « compromis acceptable ». La commissaire rappelle que la situation est très différente de 2015, le nombre d'arrivées irrégulières dans l'UE ayant chuté en 2019 à 140 000 personnes.