Pour l'Alliance des économistes Istiqlaliens (AEI), le projet de Loi de finances rectificative 2020 est caractérisé par un manque de clarté et de cohérence dans sa vision. Après l'examen du projet de LFR, soumis à l'approbation du parlement, l'Alliance des économistes Istiqlaliens (AEI) souligne qu'il « ne constitue ni un outil d'austérité, ni un instrument de stimulation de l'offre, ou de soutien à la demande ; et il ne reflète pas, non plus, les nouvelles priorités sociales et économiques, imposées par cette crise et attendues de tous, pour soutenir la reprise des activités, après plus de 3 mois de confinement généralisé ». D'après l'AEI, « ce projet ne comporte pas de dispositions significatives pour préserver les emplois existants et en générer de nouveaux, ni de moyens pour réaliser le taux de croissance (ou de récession) projeté par le gouvernement, en vue de limiter les dégâts socioéconomiques de la crise sanitaire ni de profiter des opportunités d'investissement et de création d'emplois induites par la crise ni de préserver le tissu économique et l'emploi existant ». Dans ce contexte, l'AEI souligne les points de vigilance suivants caractérisant ce projet : * Absence de mesures claires et volontaristes pour contenir la récession attendue ; limiter le recul substantiel du pouvoir d'achat des citoyens, particulièrement des classes moyennes ; sécuriser un revenu minimum des salariés, des indépendants et des autoentrepreneurs ayant perdu leur revenu suite à cette crise ; sauver les entreprises notamment les TPME et préserver les emplois. * Par son projet de LFR, le gouvernement déclare maintenir les mêmes priorités que celles de la loi des finances initiale. Or, le contexte actuel est marqué par l'arrêt des activités de près de 100 jours, coûtant un milliard de dirhams de PIB par jour, selon les estimations du gouvernement. Le projet de LFR n'affiche pas la volonté du gouvernement de veiller à une utilisation rationnelle des ressources publiques, ni à un meilleur ciblage des dépenses, notamment à travers une réduction substantielle du train de vie de l'administration. L'AEI marque ainsi son étonnement au regard des faits suivants : o Par ce PLFR, le gouvernement s'est contenté de régulariser certaines décisions prises par le comité de veille économique, d'actualiser certaines hypothèses, et d'intégrer quelques modifications au niveau des budgets de certains départements ministériels. Les secteurs dits prioritaires n'ont pas vu leurs ressources augmenter comme on pouvait s'y attendre ; o Alors que le HCP souligne un recul de près 14% du PIB durant la période du confinement, par rapport à la même période de l'année 2019, le PLFR n'apporte pas de mesures significatives permettant de soutenir les secteurs économiques les plus touchés par la crise, que ça soit au niveau du budget général, des budgets des services gérés de manière autonome, ou des comptes spéciaux du trésor. L'AEI rappelle qu'elle a fait des propositions concrètes à travers ses communiqués des trois derniers mois, pour la sauvegarde des entreprises et des emplois en général et pour les secteurs du logement, du tourisme, de l'artisanat et du digital, en particulier; o Absence de mesures concrètes incitant les entreprises et établissements publics à une participation volontariste aux efforts engagés pour dynamiser les activités économiques et appuyer les entreprises nationales, notamment à travers un meilleur ciblage de leurs dépenses et l'application effective de la préférence nationale. En ce qui concerne les données chiffrées du projet de LFR 2020, l'alliance souligne que certaines de ces données ne reflètent pas la réalité de l'impact de la crise sanitaire sur le cadre macroéconomique de notre Pays. En effet ; * l'évolution des activités économiques durant le premier et le deuxième trimestres 2020, indique clairement que le taux de récession de cette année dépasserait les 6% du PIB au lieu du 5% projeté par le gouvernement ; * les données relatives à l'exécution de la loi des finances à fin mai 2020, notamment le recul manifeste des recettes fiscales, montrent que le déficit budgétaire de l'année 2020 atteindrait 8% du PIB, et qu'il dépasserait 9%, si on ne tient pas compte du solde du compte d'affectation spéciale « COVID 19 ». Par ailleurs, l'AEI souligne l'autorisation d'augmenter le seuil d'endettement à 76 milliards de dirhams pour la dette intérieure et à 60 milliards pour la dette extérieure, ce qui se traduirait par l'aggravation du taux d'endettement public à plus de 90% du PIB. Dans ce cadre, l'alliance invite le gouvernement à une utilisation plus rationnelle de ces dettes et à un meilleur ciblage de projets directement productifs pour un développement local inclusif, durable et créateur de richesses et d'emplois dans les différents territoires du Royaume. Il s'agit particulièrement de favoriser le lancement de projets de désenclavement de zones reculées en les équipant en routes, en eau, et en électricité et de généraliser l'équipements du pays en énergies renouvelables et sa connexion à internet. Parallèlement, et compte tenu de la dégradation de notre balance des paiements en raison des baisses continues de la demande extérieure adressée à notre pays, des IDE, du tourisme et des transferts des MRE, l'alliance exhorte vivement le gouvernement à mettre en place des mécanismes intelligents, non tarifaires, visant à n'importer que les produits et services strictement nécessaires et à promouvoir la production locale « Made in Maroc ». Enfin, l'AEI invite le gouvernement à être réceptifs par rapport aux propositions d'amendements des représentants de la nation, en vue d'améliorer ce projet de LFR 2020 et de sauvegarder notre tissu productif, préserver l'emploi et soutenir le pouvoir d'achat des ménages marocains.