Karim Tabbou, figure emblématique du mouvement de contestation en Algérie, se retrouvera devant la justice le 1er juin, après le report de son procès prévu lundi, a indiqué un de ses avocats, Me Mustapha Bouchachi. M. Tabbou, 46 ans, emprisonné pour « atteinte à l'intégrité du territoire national », devait être jugé lundi par le tribunal de Kolea (ouest d'Alger), pour « atteinte au moral de l'armée ». Mais le procès a été reporté automatiquement puisqu'il n'est pas sous le coup d'un mandat de dépôt dans le cadre de cette deuxième affaire. En raison de la pandémie de Covid-19, la justice algérienne se limite à ne traiter que des cas de prisonniers en détention. « Dans cette affaire, Karim Tabbou n'a pas commis de délit puni par la loi algérienne. Il s'est exprimé sur un sujet politique. C'est un droit qui est garanti par la Constitution », a estimé Me Bouchachi. « L'affaire n'aurait pas dû être programmée. Il y a eu un report automatique », a expliqué l'avocat. M. Tabbou est passible d'une peine de cinq à dix ans d'emprisonnement pour avoir « participé en connaissance de cause à une entreprise de démoralisation de l'armée ayant pour objet de nuire à la Défense nationale », selon le code pénal algérien. Un nouveau comité de soutien « Sauvons Karim Tabbou », lancé le 25 avril, a réclamé sa « libération immédiate et inconditionnelle ». Le comité, qui regroupe des intellectuels et des militants des droits humains de la diaspora algérienne, dont l'historien Mohamed Harbi, dénonce les conditions « immondes » de détention de M. Tabbou qui « mettent sa vie en danger ». Placé en détention une première fois le 12 septembre après avoir été inculpé « d'atteinte au moral de l'armée », M. Tabbou avait été remis en liberté le 25 septembre. Mais il avait été à nouveau arrêté dès le lendemain dans une seconde affaire pour « atteinte à l'intégrité du territoire national ». Karim Tabbou est l'un des visages et l'une des voix les plus connues du « Hirak », le mouvement de protestation antirégime qui a éclaté le 22 février 2019. Chef d'un petit parti d'opposition non enregistré, l'Union démocratique et sociale (UDS), son portrait était régulièrement brandi lors des manifestations hebdomadaires qui sont désormais suspendues en raison de la pandémie de Covid-19. Il a été condamné en appel le 24 mars à un an de prison ferme pour « atteinte à l'intégrité du territoire national ». Durant son procès – à l'issue duquel le procureur avait requis une peine de quatre ans de prison ferme le 4 mars -, Karim Tabbou avait rejeté toutes les charges. Dans un communiqué, Amnesty international a exigé lundi des autorités algériennes qu'elles « mettent fin aux poursuites arbitraires visant à réduire au silence des militant.e.s du mouvement Hirak et des journalistes dans le contexte de la pandémie de Covid-19 ». Selon Amnesty, citant des avocats, « au moins 32 personnes arrêtées de manière arbitraire pendant le mouvement du Hirak demeurent derrière les barreaux, dont huit ont été interpellées après le début de la pandémie, entre le 25 février et le 13 avril ».