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Me Jamila Sayouri répond à Mustapha Fares : « on ne peut pas anticiper des jugements dans des affaires en cours. Ceci porte préjudice au droit de défense »
Mustapha Fares, Premier président de la Cour de cassation et président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), a envoyé une lettre, le 14 avril dernier, aux Premiers présidents des Cours d'appel pour demander aux juges de préparer, dès maintenant, des jugements anticipés. Les débats nationaux commencent à porter davantage sur la nécessité d'un plan de relance en sortie de crise, notamment en ce qui concerne la reprise des audiences des tribunaux. En effet, il a été décidé, depuis le 16 mars dernier, de suspendre la tenue des audiences de tous les tribunaux du Royaume à l'exception de celles en lien avec les affaires des détenus, les affaires en référé et les affaires d'instruction. Dans ce cadre, Mustapha Fares, Premier président de la Cour de cassation, s'est adressé aux Premiers présidents des Cours d'appel pour que les juges optent pour des jugements anticipés, en guise de plan post-coronavirus. Contactée par Barlamane.com/fr, Me Jamila Sayouri, avocate et présidente de l'association Adala « pour le droit à un procès équitable », affirme qu'il est aujourd'hui important de réfléchir à un scénario post-crise. Toutefois, ce plan de relance doit prendre en considération le droit d'accès à la justice et la mise en œuvre des normes d'équité des procès. Et ce, afin d'améliorer la qualité des jugements et garantir la sécurité judiciaire pour les citoyens et les citoyennes. « On ne peut pas anticiper des jugements dans des affaires en cours, que ce soit des affaires pénales, commerciales, civiles ou administratives. Ceci porte préjudice au droit de défense. Toutefois, il est possible d'anticiper la forme de prononcer les jugements concernant les dossiers qui ont été en cours de jugement. Dans ce sens, l'association Adala espère que M. Mustapha Fares, Premier président de la Cour de cassation, apporte plus de précisions pour éclairer l'opinion publique et éviter toute confusion ou suspicion », explique la présidente de l'association Adala. Cette ordonnance ne respecte pas les conditions nécessaires à la garantie d'un procès équitable, la qualité des jugements et la sécurité judiciaire concernant les affaires judiciaires en cours. Dans ce sens, elle ne se conforme pas à une logique et une vision compatible avec l'esprit des conventions et des pactes internationaux des droits humains. Selon l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal. En outre, toute personne accusée doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Me Jamila Sayouri rappelle, dans ce cadre, que l'arrêt du temps judiciaire a eu plusieurs effets, tels que la suspension des délais de recours devant les juridictions, de prescriptions des infractions et de notification des jugements. D'où l'importance d'un plan après-crise qui sera en mesure de renforcer la mise en place de mécanismes permettant l'accès à une justice indépendante et impartiale, capables d'assurer la sécurité juridique et de garantir la protection et l'effectivité des droits fondamentaux. Dans ce sens, l'association Adala a publié un communiqué, dont Barlamane.com/fr détient une copie. L'organisation non gouvernementale, qui défend l'accès à la justice, salue l'initiative prise par M. Mustapha Fares qui vise à préparer le système judiciaire à sortir de la crise coronavirus. Elle demande également plus d'explications concernant le champ d'application des jugements anticipés. Et ce, pour une meilleure compréhension du contenu de la lettre du Premier président de la Cour de cassation. Pour l'association, le post-covid-19 nécessite également une nouvelle stratégie ayant pour objectif de faciliter les procédures judiciaires pour relancer les procès judiciaires, tout en misant sur une coordination accrue avec les présidents des tribunaux, le ministère de la Justice et les avocats, entre autres. Il est aussi question de préciser les mesures prises afin de remédier aux problèmes des délais dépassés de recours devant les juridictions, de prescriptions des infractions, de notification des jugements. Parmi les autres recommandations d'Adala : encourager et inciter les magistrats à tenir des audiences supplémentaires afin de ré-instaurer la confiance et garantir davantage les libertés et la sécurité judiciaire.