Après avoir martelé que les masques étaient inutiles contre le coronavirus quand on n'est pas malade, le discours officiel a changé dans plusieurs pays cette semaine. Confusion et accusations de mensonge s'exacerbent. Aux Etats-Unis, le discours a changé. Le président Donald Trump a annoncé que les autorités sanitaires conseillaient désormais aux Américains de se couvrir le visage lorsqu'ils sortent de chez eux. Depuis le début de l'épidémie, l'OMS (Organisation mondiale de la santé) et de nombreux gouvernements répètent que les masques doivent être uniquement utilisés par les soignants, les malades et leur entourage proche. Après avoir longtemps martelé que cela était inutile, l'OMS est en train de réviser ses recommandations. Mais pour les promoteurs du port généralisé du masque, ce discours était avant tout destiné à éviter que le grand public se rue sur ceux réservés aux soignants (les masques chirurgicaux et les FFP2, plus protecteurs) et aggrave une pénurie déjà existante. De fait, vue d'Asie, où le recours au masque est culturellement valorisé, la réticence occidentale a surpris. « La grosse erreur aux Etats-Unis et en Europe, à mon avis, c'est que les gens ne portent pas de masques », déclarait le chef du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies, Gao Fu, le 27 mars au magazine Science. Dans la foulée, le discours a évolué un peu partout ces derniers jours, face aux incompréhensions grandissantes du grand public et à la multiplication des prises de position de médecins pro-masque. Autre facteur : l'hypothèse selon laquelle le coronavirus pourrait se transmettre via l'air expiré. Objet de nombreuses spéculations, ce mode de transmission n'est pas encore scientifiquement prouvé. Mais on suspecte que « le virus puisse se transmettre quand les gens ne font que parler, plutôt que seulement lorsqu'ils éternuent ou toussent », a déclaré vendredi sur Fox News le très respecté spécialiste américain Anthony Fauci, conseiller de Donald Trump. S'il était confirmé, ce mode de transmission expliquerait la haute contagiosité du virus, également transmis par des patients sans symptômes. C'est en intégrant cette éventualité que les autorités sanitaires américaines ont recommandé le port du masque. En Allemagne, l'Institut Robert-Koch, l'établissement de référence en santé publique, a encouragé vendredi les citoyens à porter en public des masques faits maison. Il n'y a « pas encore de preuve scientifique » qu'ils limitent la propagation du virus, mais cela « semble plausible », a estimé son président Lothar Wieler. Un avis partagé en France par l'Académie de médecine : elle a jugé vendredi qu'un masque « grand public » devrait être rendu obligatoire pour les sorties pendant et après le confinement. Mercredi, l'animatrice de télévision Marina Carrère d'Encausse, également médecin, avait assuré que les propos officiels sur l'inutilité supposée des masques pouvaient s'apparenter à un « mensonge » fait « pour une bonne cause », c'est-à-dire pour les réserver aux soignants, provoquant ainsi un tollé. De son côté, l'OMS s'en tient encore à sa position initiale, en craignant que l'usage généralisé du masque donne un « faux sentiment de sécurité » et fasse oublier les indispensables mesures-barrières (distanciation sociale, lavage des mains…).