Les Français sont appelés dimanche aux urnes pour le premier tour des élections municipales, un scrutin éclipsé par l'épidémie du nouveau coronavirus et les craintes qu'elle suscite chez une population inquiète d'une propagation massive de la maladie. Dimanche, quelque 47,7 millions d'électeurs devront élire leurs maires et conseillers municipaux dans quelque 35.000 communes, lors d'un scrutin qui intervient dans un contexte des plus particuliers aussi bien au niveau interne qu'international, dans le sillage de "la plus grave crise sanitaire en France depuis un siècle", comme l'a qualifiée le président Emmanuel Macron. Dès l'annonce des premiers cas de contamination par le nouveau coronavirus dans l'hexagone et la propagation de la maladie de par le monde, les doutes ont commencé à planer sur le maintien du calendrier électoral ou son report à une date ultérieure suivant l'évolution de la situation sanitaire dans le pays. Les incertitudes ont pris plus d'ampleur lorsque le nombre de contaminations et de décès a commencé à augmenter et après l'entrée de la France en phase deux de l'épidémie, mais surtout avec la décision de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de qualifier le covid-19 de pandémie. A cela s'ajoutent les mesures drastiques annoncées par le gouvernement notamment l'interdiction, dans un premier temps, des rassemblements de plus de 1.000 personnes, qui a entraîné l'annulation des meetings politiques. Ces doutes ne se sont dissipés que jeudi soir lorsque le président français a prononcé un discours très attendu au cours duquel il a annoncé le maintien des élections, aux côtés d'autres mesures exceptionnelles pour freiner l'expansion de l'épidémie notamment la fermeture des crèches, des écoles et des universités dès lundi et jusqu'à nouvel ordre. M. Macron a été on ne peut plus clair en affirmant lors de son discours qu' « il est important en ce moment, en suivant l'avis des scientifiques comme nous venons de le faire, d'assurer la continuité de notre vie démocratique et de nos institutions", en allusion à ce scrutin, considéré comme un test aussi bien pour la majorité gouvernementale que pour les partis de l'opposition à deux ans des présidentielles. Les observateurs expliquent de leur côté cette décision de maintenir le scrutin, par des contraintes d'ordre légal, le report devant être voté à l'Assemblée nationale qui se trouve actuellement en mode pause. Le maintien s'explique aussi par l'avis favorable des scientifiques qui "considèrent que rien ne s'oppose à ce que les Français, même les plus vulnérables, se rendent aux urnes", a expliqué le président de la République dans son allocution télévisée. Pour assurer le bon déroulement du scrutin, marqué par la candidature de plusieurs membres du gouvernement, à leur tête le premier ministre Edouard Philippe, ainsi que de près de 50% des parlementaires, l'exécutif a annoncé une batterie de mesures en vue de limiter la propagation du virus, d'une part, mais aussi pour encourager les électeurs à se rendre dans les bureaux de vote. Les autorités redoutent surtout un taux élevé d'abstention en raison des craintes liées à l'épidémie, qui a fait jusqu'à présent 3661 cas de contamination confirmés dont 79 décès, selon le dernier bilan officiel. Lors d'une conférence de presse, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a souligné que "des mesures sont prises pour que les élections se déroulent dans de bonnes conditions et que face aux risques du Covid-19 nous puissions avoir les dispositions, les aménagements, les comportements adaptés pour limiter au maximum le risque". Dans le cadre de cette mobilisation générale, des points d'eau ou des gels hydro-alcooliques devront être mis à la disposition des électeurs qui sont invités à venir munis de leur propre stylo, alors que les machines à voter devront être désinfectées toutes les 30 minutes tout comme les isoloirs. Aussi, les électeurs auront à leur disposition des lingettes antibactériennes et des stylos jetables dans certaines mairies. Le gouvernement a également décidé de simplifier davantage le vote par procuration des personnes confinées et les personnes vulnérables. La France se trouve toujours en phase deux de l'épidémie, mais les autorités sanitaires jugent inexorable le passage au stade 3 de Covid-19, celui où le nombre devient tellement important qu'il est impossible de retracer les chaînes de transmission et d'identifier des clusters (cas groupées) précis. Entre les assurances du gouvernement et la réalité sur le terrain qui ne cesse de se compliquer, les électeurs français seront appelés à braver la peur pour exercer un des principaux droits constitutionnels et démocratiques, celui du vote.