Marocain, Français ou Algérien, ils avaient entre 20 et 30 ans quand ils avaient rejoints l'organisation terroriste, et sont aujourd'hui donnés pour morts en Syrie ou en Irak. Des peines maximales requises. Alors que la parole est à la défense, jeudi 16 janvier, l'accusation a demandé la veille des peines allant de trente ans de réclusion à la perpétuité contre dix-neuf djihadistes absents à leur procès. Ces derniers sont donnés pour morts en Syrie ou en Irak, qu'ils avaient rejoints en 2014 ou 2015 au nom de la défense du «califat» autoproclamé de l'organisation Etat islamique (EI). Contre les cinq accusés physiquement présents, l'avocat général Benjamin Chambre a requis aux assises de Paris jusqu'à 15 ans de réclusion, mettant en garde contre les profondes «convictions» de certains de ces hommes. «Se dressent devant vous cinq individus et dix-neuf chaises vides : c'est l'illustration de ce jusqu'au-boutisme d'hommes et de femmes partis en connaissance de cause dans un pays en guerre.» «Aucun n'envisage ou n'entreprend de démarches pour revenir», a-t-il souligné. Et de détailler leurs derniers actes avant leur départ pour rejoindre les rangs de l'EI : l'un se débarrasse de sa voiture, remet de l'argent à ses vieux parents, l'autre vend son iPhone, prend des crédits qu'il n'honorera jamais. L'avocat général a requis la peine maximale contre Mohamed Belhoucine, « figure tutélaire » dans cette affaire, déjà condamné pour sa participation à une filière djihadiste et considéré comme le mentor du tueur de l'Hyper Cacher, le 9 janvier 2015 : «il encourt et mérite la perpétuité», a affirmé Benjamin Chambre. Il a requis 30 ans contre tous les autres « fantômes » du dossier, tels le jeune converti Quentin Roy, donné pour mort dans une opération suicide, ou le couple Faucheux, parti avec leurs trois enfants. «Aujourd'hui, c'est le procès d'absents que l'on fait : l'objet de la peine est surtout une mesure de sûreté, pour sanctionner l'engagement djihadiste d'individus» et «se prémunir contre d'éventuels retours», a-t-il argué, relevant que leur mort, annoncée à leurs proches par des émissaires de l'EI ne pouvait être prise en compte par la justice française. Français, Marocain, Mauritanien ou Algérien, ils avaient entre 20 et 30 ans quand ils ont quitté la France, avant ou après les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et le magasin Hyper Cacher. Convertis à l'islam radical dans des mosquées de la région parisienne ou auprès de mentors, séduits par la propagande djihadiste, ils ont été portés par une dynamique de groupe renforcée par la proclamation en juin 2014 du «califat», qui leur promet «un statut, un salaire, une maison et même des femmes». Deux groupes se distinguent : le premier est celui dit de la « filière Belhoucine », du nom de deux frères, Mohamed et Mehdi, personnages emblématiques de la galaxie djihadiste francophone. Apprenti ingénieur, Mohamed Belhoucine est considéré comme l'auteur du serment d'allégeance à l'EI lu par Amedy Coulibaly dans la revendication de la tuerie de l'Hyper Cacher (quatre morts) et a pu lui ouvrir un canal de communication avec un commanditaire. Le 2 janvier 2015, quelques jours avant les attaques, il a rejoint la zone irako-syrienne via l'Espagne avec son frère Mehdi et Hayat Boumedienne, la compagne de Coulibaly. Le second groupe est celui des «copains» de Sevran (Seine-Saint-Denis), qui se connaissent tous, ont fréquenté ensemble la mosquée des «Radars» où ils ont forgé leurs certitudes djihadistes notamment au contact du charismatique Sofiane Nairy, ex-enseignant et éphémère imam à Sevran. L'avocat général a désigné dans le box Iliès Benadour, qui a reconnu à la barre avoir « coordonné » les départs en Syrie de ses copains mais nié tout acte criminel, comme un maillon «essentiel» de la filière en France et l'indispensable «relais» de Sofiane Nairy, qui prenait en charge les volontaires à leur arrivée sur zone. Il a requis 15 ans de réclusion, assortis d'une peine de sûreté des deux tiers, contre Ilès Benadour, et la même peine contre Yacine Bouhil, brièvement parti sur zone, qui n'a montré «aucun désengagement de l'idéologie djihadiste» et a «menacé de mort un surveillant en détention». Huit ans, avec sûreté des deux tiers, ont été demandés contre Sassim Sekour, qui a tenté plusieurs fois de partir en Syrie, et des peines de quatre ans avec sursis et cinq ans dont trois avec sursis contre deux autres accusés comparaissant libres. Le verdict est attendu vendredi.