D'aucuns qualifient ce procès de celui des fantômes du jihad. En effet, la cour d'assises spéciale de Paris juge à partir de demain, 24 personnes, dont la plupart sont parties en 2014-2015 en Irak ou en Syrie et y sont mortes au nom du califat islamiste. Le procès durera jusqu'au 17 janvier. Ils seront cinq à comparaître devant la cour, pour association de malfaiteurs à visée terroriste. Les 19 autres sont officiellement toujours «recherchés». Une majorité d'entre eux est en fait décédée, dans des bombardements ou attaques suicides, selon des témoignages des familles et des renseignements recueillis par les enquêteurs. Ces accusés ont été convertis à l'islam radical dans une mosquée clandestine ou par des « mentors », en juin 2014. Français, Marocain, Mauritanien ou Algérien, ils avaient entre 20 et 30 ans quand ils ont quitté la France, juste avant ou après les attentats de janvier 2015 contre le journal Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, magasin de la porte de Vincennes à Paris. Parmi les accusés « fantômes » seront jugés les frères Belhoucine, dont l'aîné Mohamed, apprenti ingénieur, est considéré comme le mentor du tueur de l'Hyper Cacher, et Quentin Roy, dont les parents sont devenus des figures du « Collectif Familles Unies ». Collectif qui réclame le rapatriement des jihadistes pour les juger en France ainsi que celui de leurs enfants. Pour rappel, Mohamed Belhoucine est considéré comme l'auteur du serment d'allégeance au groupe Etat islamique (EI) lu par Amedy Coulibaly dans la revendication de la tuerie de l'Hyper Cacher, qui a fait 4 morts, et a pu lui ouvrir un canal de communication avec un commanditaire. Le 2 janvier 2015, quelques jours avant les attaques, il a rejoint la zone irako-syrienne via l'Espagne avec son frère Mehdi et Hayat Boumedienne, la compagne de Coulibaly. Mehdi Belhoucine serait mort en avril de la même année, à Tikrit en Irak. Mohamed, lui, aurait péri également dans un combat, au début de l'année 2016. D'autres membres de leur groupe, dont Haïtem Jouini et le couple Faucheux, sont eux aussi morts durant les années 2016 et 2017. Quentin Roy faisait partie du groupe des jeunes de Seine-Saint-Denis, et plus particulièrement celui de Sevran, partis plus tôt pour rejoindre la Syrie via la Turquie. Parmi les présents au procès, Iliès Benadour, aurait conduit en septembre 2014 ses compagnons Quentin Roy et Samba Camara à l'aéroport – morts dans des opérations suicides -, puis convoyé d'autres jeunes début octobre 2015. Selon des échanges décryptés sur différentes messageries, Quentin Roy encourageait Iliès Benadour à commettre des attentats en France – « Ceux qui tapent chez vous c'est le meilleur » – à défaut de pouvoir gagner la Syrie. Sans nier leur intérêt pour l'organisation de l'Etat islamique, les accusés présents ont contesté leur participation « à une entreprise criminelle ». Pour rappel, Iliès Benadour se dit musulman «normal» et a assuré que ses amis partis en Syrie, l'ont fait dans le but d'aider les populations en détresse.