La première section du plus grand complexe solaire thermodynamique (CSP) au monde, baptisé Noor, a été inaugurée jeudi dernier à Ouarzazate par le roi du Maroc. C'est à la fois une nouvelle réjouissante et attristante. Réjouissante parce que produire de l'électricité solaire à large échelle est une idée bancable sur le site maghrébin, lit-on sur le site du quotidien algérien El Watan. . Des esprits tardifs à la tête de la gouvernance énergétique algérienne en doutent encore en 2016. Les investisseurs ont suivi les porteurs du projet au Maroc. Il ne s'agit pas d'un pari expérimental. 2,4 milliards de dollars pour produire 580 MW répartis en 4 sections, 3 en concentré solaire thermique, le 4e en photovoltaïque. Le champ solaire est pharaonique : 500 000 plaques réfléchissantes incurvées sur 800 rangées, plantées sur 480 hectares de superficie. La première tranche, livrée jeudi dernier, développe déjà une capacité de 160 MW. Le complexe achevé devrait permettre d'alimenter en électricité de 700 000 foyers marocains. Nous sommes au cœur du modèle imaginé par les partisans de la filière solaire pour le sud de la Méditerranée. Ensoleillement quasi illimité, emprise au sol libre. Les deux grâces au Sahara. La nouvelle est aussi attristante. Car la première centrale solaire à taille industrielle est algérienne. Elle a été inaugurée en juillet 2011 à Hassi R'mel, et elle produit 30 MW en hybridation avec le gaz naturel pour une capacité globale de 120 MW (90 MW en mode conventionnelle). Le montage financier marocain qui a permis de lancer le mégaprojet de Noor à Ouarzazate est très proche de celui qui a permis le SPP1 à Hassi R'mel. Un développeur du renouvelable indépendant au cœur du projet ; Neal en Algérie, une joint-venture associant Sonatrach, Sonelgaz et, symboliquement, un acteur privé, Masen au Maroc construit sur le même modèle. Ensuite, un opérateur du projet combinant acteurs locaux et acteurs étrangers. L'espagnol Abener à Hassi R'mel, le saoudien Acwa Power à Ouarzazate. Ce qui s'est produit au Maroc la semaine dernière est l'aboutissement d'une feuille de route très ressemblante à celle de Neal au milieu des années 2000. Neal ? Mise sous l'éteignoir au profit d'un nouvel acteur du renouvelable en Algérie, Sonelgaz. Que s'est t'il donc passé depuis 2011 pour que le Maroc devienne le leader sud méditerranéen de la génération de l'électricité solaire et l'Algérie passe de pionnière du CSP à pays retardataire sur cette filière ? Un simple inversement des dynamiques. L'arrivée de Youcef Yousfi a été funeste pour le programme du renouvelable dont il a dopé les ambitions chiffrées (22 GW à 2030), tout en se détournant du retour des expériences engagées sous Chakib Khelil. Enfermé dans le paradigme carboné du XXe siècle, le vieux ministre de l'Energie a préféré consacrer «son énergie» à vendre un destin schisteux de l'Algérie aux compagnies étrangères, tournant le dos au développant des nouveaux projets de génération d'électricité solaire. Pis encore, il a décidé, sur la base d'une appréciation sommaire, que la filière du solaire thermique n'était pas la bonne. Il a donné une priorité stratégique au solaire photovoltaïque dont le bilan, cinq années plus tard, est d'une modestie affligeante. Conséquence, l'Algérie n'a pas encore doublé sa production si petite d'électricité solaire en 5 ans. Le Maroc vient de faire la démonstration spectaculaire que l'atout du sahara implique de grand projet avec de grandes emprises au sol pour une optimisation des champs solaires en mode thermique. Le photovoltaïque n'est prévu que dans la section IV à Ouarzazate. Les dégâts des années Yousfi sur le développement de la filière du renouvelable en Algérie ont une caricature pour les illustrer. Mais qui pour décider d'un tel retour au bon sens qui aujourd'hui fait briller le sahara marocain au détriment de l'algérien ? Pendant ce temps, la consommation d'électricité a augmenté de 13% en 2015 en Algérie. Dans 15 ans, les 40 milliards de m3 de gaz naturel qui sont encore préservés pour l'exportation ne suffiront plus à soutenir la demande domestique en électricité.