Yves Mersch, membre du directoire de la Banque centrale européenne, a indiqué hier qu'une adhésion à la cryptomonnaie « Libra » annoncée par Facebook pourrait nuire à la politique monétaire de la zone euro et à la monnaie unique. Au sommet du G7, les ministres des Finances ont affiché également leur inquiétude face à la monnaie virtuelle de Facebook. Les occidentaux semblent, ainsi, appréhender cette crypto-devise qui vient concurrencer les systèmes monétaires de tous les pays, et pas que ceux de l'Occident ou de la zone euro. Le Libra, le projet de crypto-monnaie de Facebook, a créé une vague d'angoisse chez les gouvernants et décideurs politiques du monde occidental, puisque Facebook pourrait intéresser avec ce projet de cryptomonnaie, pour le moins ses 2 milliards d'utilisateurs, soit 27% de la population mondiale. En effet, le géant américain Facebook espère capitaliser sur ses utilisateurs pour s'imposer dans les paiements, les services financiers et le commerce en ligne. Si les Etats-Unis laissent faire. La monnaie virtuelle de Facebook menacerait-elle l'ordre monétaire mondial ? Les législateurs redoutent que Facebook devienne une nouvelle banque centrale qui saura guetter le système monétaire des Etats en menaçant leurs monnaies locales. Le Chef du projet Libra, David Marcus, a déjà répondu à cette question en affirmant que Facebook ne veut pas rivaliser avec les monnaies souveraines compte tenu du fait que les volumes d'échanges des cryptomonnaies sont bien trop faibles pour imaginer une déstabilisation du système financier traditionnel. Mais a-t-il convaincu ? Nomura Holdings, holding financière japonaise, a réalisé une étude sur les risques du Libra. Elle a indiqué dans une note que cette monnaie virtuelle « jouera le même rôle qu'une banque centrale dans le système monétaire traditionnel ». Cependant Nomura pointe que le Libra est supervisé par un « organisme composé de nombreux membres de divers secteurs, le risque de voir le Libra sous contrôle exclusif de Facebook semble donc s'éloigner. En outre, cela ne signifie pas que la firme californienne aura le pouvoir de battre monnaie ». Pour ceux qui contestent cette cryptomonnaie puisque les monnaies virtuelles ont des cours instables, Facebook avait communiqué précédemment que sa monnaie « serait adossée à un panier de devises très stables ». Facebook a également précisé que le Libra n'est pas destiné à être utilisé comme outil d'investissement. Lors de l'audition de David Marcus devant le Congrès américain, le Chef du projet Libra a précisé que « Libra n'est qu'un outil de paiement et non pas un outil d'investissement. Libra, c'est comme de la monnaie. Les utilisateurs vont l'utiliser pour envoyer de l'argent aux membres de leurs familles qui résident dans d'autres continents ou pour effectuer des achats par exemple », peut-on lire sur son témoignage qui a été publié sur le site du Congrès américain. Et comme l'utilisation du Libra pourrait se faire, de manière anonyme, les pays qui pourfendent cette monnaie ont exprimé leur peur quant aux risques de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. Alors que les pays occidentaux s'acharnent contre Facebook, estimant que le Libra va les concurrencer, ce projet semble, pour sa défense, cibler davantage les 1.7 milliard de personnes dans les pays en développement non bancarisés, vu les faibles coûts opérationnels, comme l'indique l'étude de la firme japonaise. En effet, selon plusieurs communications de la Banque mondiale sur l'inclusion financière, ces personnes ne possèdent pas de compte bancaire pour des raisons ayant trait à la pauvreté, aux frais à engager, aux distances à parcourir et à la quantité de formalités à remplir pour ouvrir un compte. Les Etats-Unis pourraient donner le feu vert à ce projet, malgré les risques qui font peur aux autres pays développés et ce, pour couper l'herbe sous le pied à la Chine étant donné que Washington et Pékin ont déterré la hache de guerre commerciale. La Chine ayant annoncé son crypto-yuan -sur lequel elle travail depuis 2014- pour la fin de l'année. Cette monnaie électronique chinoise sera contrôlée par l'Etat et indexée sur le Yuan, Pékin envisageant sur le long terme de passer totalement à la monnaie nationale numérique au détriment du liquide. Clément Jeanneau, cofondateur de la start-up de conseil Blockchain Partner la voit comme une cryptomonnaie "pensée dans un but défensif et non offensif comme Libra : elle doit servir de rempart au risque de perte de souveraineté monétaire dans un contexte de mutations avec son lot d'incertitudes". A moins qu'une » guerre » d'un nouveau genre ne s'installe désormais entre banques centrales ou Etats aux devises fortes et GAFA.