Le ministère du Travail a rouvert les négociations avec la CGEM et les syndicats des travailleurs autour du projet de loi relative à la grève. Cette loi fixe les conditions pour l'organisation de la grève par les salariés et les devoirs des employeurs et prévoit des amendes en cas d'infraction. Quelles sont les nouveautés apportées par ce projet de loi et quels sont les principaux sujets de discorde les entourant ? Petite rétrospective sur le dialogue social : après plusieurs rounds de dialogue entre le gouvernement et les syndicats, un premier accord, communément appelé « l'accord du 25 avril », a répondu partiellement aux revendications de trois instances syndicales, à savoir l'UMT, l'UGTM, et l'UNTM, ainsi que la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM). Cet accord s'étale sur 3 ans, de 2019 à 2021 et concerne notamment l'augmentation des salaires des fonctionnaires du secteur public, les allocations familiales ainsi que la création d'un nouveau grade de promotion pour les fonctionnaires. Il est entré en vigueur ce lundi 8 juillet. « L'accord du 25 avril » a fait des contents, surtout quand le gouvernement et les partenaires sociaux ont promis de se concerter sur le projet de loi organique 97.15 définissant les conditions et les modalités d'exercice du droit de grève. Après la fin des revendications salariales, c'est désormais le projet de loi concernant la grève qui fait du bruit. Le gouvernement s'apprête à rouvrir les discussions avec les instances syndicales qui refusent ce nouveau projet, et en particulier, l'article 14. Celui-ci stipule clairement que la grève est une «suspension temporaire du travail» durant laquelle les participants à la grève ne peuvent «bénéficier de leur salaire» et les syndicats n'adhèrent pas à cette clause. En effet, la grève suspend le contrat de travail du salarié, c'est pourquoi l'employeur n'est pas obligé de le rémunérer puisque, momentanément, il n'exécute pas son obligation de travail. Les syndicats réclament que ce projet de loi soit retiré, et qu'ils participent à son élaboration. Grand bémol : il vient d'être validé en Conseil de gouvernement et adopté en Conseil des ministres. Cela veut dire qu'il ne reste plus qu'à amender le projet de loi, ou à le faire passer grâce à une majorité parlementaire. Son annulation, selon la demande des syndicats, s'avérera être une procédure lourde et lente. Pour arriver à un compromis qui ne fera pas perdre du temps au gouvernement, ce dernier et les syndicats explorent les possibilités de réviser certaines dispositions du projet de loi. On peut dire que l'approche participative a été privilégiée. Un autre sujet de discorde est le débat sur l'article 288 du code pénal qui a refait surface. L'article en vigueur actuellement dispose qu'il «est puni de l'emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de 2.000 à 5.000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, à l'aide de violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, a amené ou maintenu, tenté d'amener ou de maintenir, une cessation concertée du travail, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail ». Certains responsables jugent que cet article est là pour la liberté du travail, les syndicalistes jugent plutôt que cette disposition restreint un droit garanti par la Constitution En effet, il existe une énorme différence entre la grève au sens commun, et la grève au sens juridique. La définition juridique de la grève se présente comme une «cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles». Elle doit donc réunir 3 critères importants : un arrêt complet du travail, en considérant le minimum requis pour certains domaines ; la collectivité et la concertation, et donc un consentement ; et des revendications professionnelles et donc, surtout pas politiques. Le salarié doit donc s'assurer que sa grève répond à ces trois critères, sous faute de s'exposer à un licenciement pour faute, encore plus s'il y a violence, elle revêtira alors un aspect criminel. Il est vrai que certaines organisations syndicales se sont révélées plus radicales que d'autres, durant ce dialogue social. L'Organisation démocratique du travail (ODT) a récemment appelé dans un communiqué à la création d'un « front social » contre cette loi qui « restreint une liberté fondamentale », et limite les travailleurs, fonctionnaires, et les mouvements sociaux, en « les privant d'exercer un droit humain et constitutionnel ». la Confédération Démocratique du Travail (CDT), également, qui a boycotté la cérémonie de signature de « l'accord du 25 avril » en guise de protestation contre le gouvernement.