La grève constitue une modalité du conflit collectif du travail. Depuis la première Constitution de 1962, le Maroc a prévu une loi organique sur le droit de grève qui n'arrive toujours pas à voir le jour. Le monde du travail est caractérisé par l'existence de conflits qui opposent les salariés aux employeurs. Les salariés, à titre individuel ou collectif, se trouvent parfois en situation de conflit avec leurs employeurs et se voient ainsi obligés de mener des actions collectives de revendication afin de défendre leurs intérêts et garantir leurs droits. La grève constitue une modalité du conflit collectif du travail. Elle consiste en la cessation collective et concertée du travail, à l'appui de revendications. La grève est un phénomène complexe qui affecte les parties de la relation de travail et la société (les clients ou les usagers du service). Face à cette situation, certains pays, comme l'Allemagne et les Etats-Unis et les pays scandinaves, parviennent à anticiper les actions de grève, grâce notamment à l'institution d'un mode de régulation normative qui privilégie les conventions collectives comme mode de négociation directe entre les acteurs sociaux. Ce faisant, la négociation est considérée comme une valeur juridique primordiale qui impose aux parties les règles du jeu (le cas allemand tout particulièrement). Inversement, dans le cas des pays latins (la Grèce, l'Italie, la France…) et du Maroc notamment, la négociation ne s'inscrit pas dans un mode de régulation politique émanant souvent d'un simple accord qui risque d'éclater à tout moment (les cas des pays latins, Reynaud, 1982). Au Maroc, depuis que la première Constitution de 1962 a prévu qu'une «loi organique précisera les conditions et les formes dans lesquelles ce droit peut s'exercer», les patronats n'ont cessé d'exiger l'élaboration et l'adoption d'un tel texte. La CGEM était à l'origine d'un projet de loi sur la grève, depuis 1999, relooké par le gouvernement sortant afin de l'adopter. Vaine tâche, faute d'un accord entre les partenaires sociaux. Nous allons, dans cet article, éclairer les principaux points de la réforme apportés par le projet de loi sur la grève. Nous aborderonts ici quelques questions, relatives notamment aux limites du droit de grève et aux modalités de son exercice. Les limites du droit de grève La reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit comme à tout autre, en vue notamment d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public. Le projet de loi sur la grève prévoit dans ce sens que «la protection de ce droit nécessite la garantie de la liberté de travailler pour les salariés non grévistes, la sécurité des établissements et de leurs biens et la garantie d'un service minimum au sein des services et des établissements publics». L'article 9 du projet stipule que le recours à la grève ne doit pas être automatique mais découler seulement de l'échec des négociations collectives. Il interdit l'exercice de ce droit par certaines catégories : militaires, fonctionnaires de police et des forces auxiliaires, agents de l'autorité publique et personnels du ministère de l'Intérieur, personnels de l'administration pénitentiaire, magistrats, personnel de la protection civile, personnel des eaux et forêts. Elle exige aussi la garantie d'un service minimum dans les établissements publics . La grève sans avertissement est considérée par l'article 44 comme irrégulière ; le législateur cherche ainsi à éviter la grève-surprise en la soumettant à une procédure avant son déclenchement. Enfin, si l'employeur a satisfait les revendications des salariés, recourir une autre fois à la grève ne sera légal qu'après l'écoulement d'un délai de 365 jours. Les modalités d'observation de grève Quant à son auteur, le préavis doit nécessairement émaner d'un des syndicats les plus représentatifs (c'est l'interdiction implicite de la grève «sauvage») sur les plans national et professionnel. Au niveau de l'entreprise, le préavis émane des syndicats les plus représentatifs, les bureaux syndicaux et le comité de grève, en cas d'absence du syndicat (Article 17). Quant à son contenu, le préavis doit préciser les motifs, le lieu, la date et l'heure du début de la grève, la durée – limitée ou non -, le nom du bureau syndical, ainsi qu'une copie du procès-verbal de la décision de grève signé par le comité de grève. Quant à son délai, l'article 18 exige que toute action de grève soit portée à la connaissance de l'employeur dans un délai de 10 jours, sauf dans le cas où l'employeur ne paierait pas les salaires, ou dans le cas d'un risque éminent pour la santé et la sécurité au travail. Le délai de préavis, dans ces deux cas, est écourté à 48 heures seulement. Si l'exercice du droit de grève est régulier, l'employeur ne peut prendre aucune sanction disciplinaire, pas plus qu'il ne peut congédier le gréviste. Il est même admis que le règlement intérieur est suspendu pendant la grève, comme le sont les contrats. Quant à l'article 15, il interdit à l'employeur de prendre des mesures discriminatoires en matière de rémunération et d'avantages sociaux contre les salariés grévistes. Il est également tenu de ne pas engager de nouveaux employés à la place des salariés grévistes à réception de l'avis de grève. L'observation du déroulement de la grève est assurée par le président du tribunal de première instance qui désigne un huissier de justice pour constater la conformité des parties aux dispositions de la loi, et ce suite à une demande adressée par les parties concernées (Article 32, 33,34, 35). Ce projet de loi interpelle les partenaires sociaux pour faire sortir la grève du monopole du discours politique, en se référant à des repères juridiques acceptables.