Le colloque organisé par le GRET réunit un aréopage de chercheurs marocains et étrangers pour débattre de la relation des intellectuels et des élites avec l'engagement dans les affaires de la cité. Entre attractivité et déboires de l'action politique, les intellectuels s'interrogent. C'est toujours fidèle à son approche prospective que le Groupement de Recherche sur Espace et Territoire ( GRET ) organise son nouveau colloque international. Le thème : « Elite, Gouvernance et Gestion du changement » est d'une actualité brûlante. Tant il survient au moment où le pays s'apprête à négocier un tournant décisif dans son devenir démocratique, avec les échéances électorales de septembre 2002. A travers les travaux de ce colloque international, organisé avec la collaboration de la Fondation allemande Hanns-Seidel et l'UFR des Sciences Administratives de la Faculté de Droit de Rabat, les invités du GRET s'emploieront les 28 février et 1 er mars à sonder les liens multiples qui existent entre « élite», «gouvernance» et « gestion du changement». Un cheminement qui ne devrait pas manquer d'amener les intervenants à analyser le concept même des élites et partant, le rôle qu'elles jouent ou qu'elles seront amenées à jouer dans le mode de gouvernance. La question de base demeure encore « de quelles élites disposons nous aujourd'hui ? ». Aujourd'hui, le système basé sur les élites fondées sur la naissance, ou encore issues de concours et de recrutement, semble largement dépassé, selon l'argumentaire général de la rencontre développé par le Pr Ali Sedjari, président du GRET. L'alternative immédiate ne fait plus l'affaire, puisque le système basé sur la différence entre « société à élites larges, développées, relativement faciles d'accès, et élites plus fermées, moins nombreuses et formées selon un schéma modelé à l'avance selon les systèmes de formation et de recrutement », est également en perte de vitesse. La réponse est ailleurs. Le pouvoir se forge aujourd'hui une nouvelle assise, basée sur le savoir. Une évolution des fondements de la puissance, nous prédit-on, « qui va profondément affecter les équilibres en place, la configuration traditionnelle des élites et des hiérarchisations politiques ». D'où une nécessaire relecture de notre système des élites pour savoir dans quelle mesure elles peuvent agir, accompagner les changements en cours, se renouveler et se relégitimer. Une crise dont les contours se dessinent parfaitement à la lumière de l'analyse. Un débat aussi, dont l'enjeu est capital, du moment que les élites sont appelées mettre en place les fondements d'une Bonne Gouvernance. Le contexte est inédit. C'est celui d'une nouvelle réalité mondiale qui limite, voire annule, l'exercice de la souveraineté sans partage. C'est également celui d'une certaine émancipation des individus, des ONG, des instances territoriales et de toutes les composantes de la société civile, qui impose une concertation plus marquée. Dans ce cadre, se profile une nouvelle définition de la gouvernance. Celle, souligne M. Sedjari, qui s'emploie à « forger une sorte de centralité citoyenne en place et lieu de la centralité politique ». Une gouvernance dont « l'exercice démocratique conduit à privilégier le processus sur l'acte de décider, l'humain sur l'institutionnel, la construction des repères collectifs sur l'application des règles universelles ». Dès lors, s'impose une nouvelle approche de gestion des politiques publiques de nature à lier «Gouvernance, innovation et changemen», tout en s'articulant autour d'une «intelligence partagée des acteurs». Le corollaire de base dégagé par les organisateurs du colloque demeurant le fait que la Gouvernance ne puisse s'associer au changement qu'en « entrant dans l'arène, en intervenant elle-même dans l'action créatrice du nouveau, du neuf ». Une voie inévitable au moment où les acquis sont radicalement remis en cause. Des acquis qui ont jusque–là cerné des données de base comme « le savoir des gestionnaires, la répartition des rôles, l'efficacité de l'Etat, la disponibilité des ressources humaines et électorales, le mythe du service public, la sur-représentativité de l'élite, l'intégrité des partis politiques, le respect de la loi, l'engagement de l'élu, l'expertise de la technocratie ». Il est donc temps, souligne-t-on au GRET, d'initier « un travail intellectuel nouveau de mémoire et de reconstruction », prélude au traitement de maux comme la fracture entre les élites et la nation, l'incapacité des élites politiques et économiques à réformer la société ou même à la comprendre ou encore l'union de groupes d'intérêts contre le pouvoir politique. Autant de questions auxquelles il s'agira d'apporter des ébauches de réponses, afin de dépasser l'impuissance d'élites « fonctionnant plutôt à la domination » face aux problèmes de société, pour des élites favorisant une culture de débat qui ne fasse plus le jeu de la démagogie et de la prudence. En somme, pour jeter les bases d'un Etat compétent.