Mohamed, ce quadragénaire, père de famille, qui s'est retrouvé, par un hasard, mouillé dans une affaire de sang, ne sait pas à quel saint se vouer. Ses trois enfants, dont l'aîné est âgé de vingt ans, sa femme, sa mère, ses deux frères et son unique sœur se tiennent sur les sièges réservés à l'assistance dans la salle d'audience de la Chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca. De temps en temps, il tourne sa tête vers l'assistance pour jeter un regard sur sa famille. Sa femme fonde en larmes et ne peut plus se retenir. «Je n'avais pas l'intention de le tuer, M. le président», balbutie Mohamed qui commence à sangloter comme un petit enfant. Le président de la Cour le sollicite de se taire. «Je n'ai jamais pensé devenir un jour criminel», dit-il toujours avec les larmes aux yeux. Effectivement, comme en témoignent ses voisins qui sont venus pour le soutenir, c'est un homme qui jouissait d'une bonne réputation, serviable, pieux, qui n'avait absolument rien à voir ni avec la violence ni avec la méchanceté. Au contraire, ajoutent ces mêmes voisins, c'est la victime qui était un jeune drogué, ivrogne et repris de justice, qui ne respectait personne. «Il s'enivrait toujours devant chez moi. Je lui ai demandé d'aller ailleurs», précise-t-il. Mais Abdellah, la victime, âgé de trente et un ans, a refusé de partir et de s'éloigner du domicile de Mohamed. «Il a refusé de partir, M. le président. Je ne voulais pas appeler la police», ajoute Mohamed sur un ton de regret. Il ne voulait pas qu'Abdellah soit incarcéré. «Si la police l'arrête, ce sont ses parents qui vont en souffrir», affirme Mohamed. Hors de lui, ce dernier a donné un coup de pied à la bouteille de vin rouge qui s'est cassée devant les regards d'Abdellah. Celui-ci ayant perdu rapidement tout contrôle, s'est saisi d'un couteau et s'est mis à menacer son voisin. Mohamed, emporté lui aussi dans sa colère, est rentré chez lui pour s'armer d'un bâton et est retourné pour faire face à son protagoniste. Très vite, il a asséné plusieurs coups au jeune Abdellah qui est tombé par terre le sang coulant de sa tête. Perdant connaissance, il a été évacué vers l'hôpital Ibn Rochd où il est passé de vie à trépas. Verdict : Bénéficiant des circonstances atténuantes, Mohamed a été condamné à 5 ans de réclusion criminelle.