RNI, Istiqlal et USFP, trois grands partis nationaux qui passent ces derniers temps par une période critique. Trois modèles différents dont la situation actuelle reflète la crise que traverse la vie partisane au Maroc. Chacun se distingue par son parcours particulier, sa position et ses troubles. L'Isitqlal est au bord de l'implosion n'ayant pas pu désigner un nouveau secrétaire général à l'issue de son 16ème congrès. L'USFP, pâtissant d'une crise d'identité, ajourne à chaque fois son congrès, entre autres parce qu'il n'y a pas de consensus autour du futur premier secrétaire. Pour sa part, le RNI, même s'il a tenu son congrès, élu son président, vit aujourd'hui une véritable dépression, étant théoriquement la première force politique d'opposition (52 sièges au Parlement), sans pour autant l'être sur le terrain. Qu'est-ce qui a affaibli ces partis et qui peut tirer profit de leur faiblesse? D'ores et déjà, la piste du complot pour expliquer la régression de ces partis doit être écartée. «La théorie du complot mené par des forces politiques agissant dans l'ombre est aujourd'hui dépassée», estiment les observateurs de la scène politique. Pour Hassan Tarek, membre du bureau politique du parti de la rose, même s'il y a une volonté externe d'affaiblir certains partis ou tous, «une véritable formation qui tire sa légitimité de la population doit avoir l'immunité, les outils et armes nécessaires pour faire face à une telle volonté». La déroute des partis nationaux s'explique tout simplement, selon le politologue Mohamed Darif, par l'absence de démocratie interne. Et d'ajouter (voir entretien page 5) que l'existence de partis faibles et décrédibilisés n'est actuellement dans l'intérêt de personne : «Ce dont a besoin le Maroc dans le contexte régional et local d'aujourd'hui, c'est bien de partis forts qui assurent la transition démocratique consacrée par la Constitution». L'Istiqlal, 2ème force politique du Maroc, au bord de la scission L'Istiqlal est la 2ème force politique du Maroc avec plus de 60 sièges au Parlement. Mais il est aujourd'hui un parti au bord de la scission. Le conflit oppose deux camps, deux candidats au secrétariat général, Abdelouahed El Fassi, présenté par ses détracteurs comme le défenseur du clan de la famille au sein du parti, et Hamid Chabat, secrétaire général de l'UGTM, et qui représenterait le clan du syndicat dans le parti. Selon Abdelhafid Adminou, universitaire et membre du parti, l'Istiqlal, à l'instar des autres formations politiques touchées par le vent du Printemps arabe, vit aujourd'hui une véritable dynamique interne où la démocratisation est devenue le mot d'ordre. Mais chacun aborde la démocratie selon sa vision et ses propres intérêts, le parti étant plus ouvert, rassemblant aujourd'hui divers profils, classes sociales et générations, explique M. Adminou. Son analyse est que «les conflits d'intérêts et les équilibres des pouvoirs ne sont plus du ressort des institutions, mécanismes et organisations du parti, mais se retrouvent gérés et monopolisés par des individus. Ajoutons à cela que certains leaders négocient en ayant la mainmise sur des ramifications et organisations parallèles du parti, syndicats et autres». Pour M. Darif, le problème de l'Istiqlal ne réside pas dans l'existence de deux clans, mais dans le fait qu'il n'y a pas de culture démocratique partisane, étant donné que ce parti n'a jamais tenu des élections pour désigner son SG. Le candidat unique a toujours été la règle, ce dernier bénéfice même souvent de l'aval du Roi. RNI, un parti qui souffre du manque d'expérience en opposition et de l'image ternie de son président Le parti censé être la première force de l'opposition patauge au Parlement et affiche un visage pâle. Les causes? «Il est question d'un manque d'expérience, de formation et de profils pour assumer une telle mission. Le parti depuis sa création en 1979 n'a eu qu'une année en opposition», explique Mme M'barka Bouaïda, députée du RNI. Et d'ajouter que «le parti a également été impacté par le règlement de comptes personnels avec le président». On se souvient de la polémique suscitée par un député du PJD, accusant Salaheddine Mezouar, président du RNI, d'avoir touché des primes mensuelles faramineuses du temps de son mandat en tant que ministre des finances. Par ailleurs, le parti de la colombe est également confronté à un manque de visibilité idéologique. «Notre parti ne se distingue pas des autres, il doit mener une réflexion profonde sur ce que doivent être son idéologie et ses références», confie Mme Bouaïda. Viennent s'y ajouter les failles organisationnelles: «Manque d'organisation interne, manque d'encadrement régional et local, ambigüité dans la répartition des tâches entre la gestion administrative et politique du parti, manque de proximité avec la population sont aussi des problèmes dont souffre le parti», énumère Mme Bouaïda. Mais en arrière-plan, cette dernière insiste sur le fait que le RNI reste soudé, entretient des rapports de confiance avec son président et se distingue des autres partis par le fait qu'il a réussi, malgré toutes les appréhensions, son congrès en élisant son président «d'une manière démocratique et légitime» et en renouvelant son bureau politique à hauteur de 60% avec 30% de jeunes, précise M'Barka Bouaïda. USFP ou la refonte de la gauche Après avoir reçu un coup dur lors des élections du 25 novembre, en se classant à la 5ème place, l'USFP est passé à l'opposition et vit une crise identitaire. Aujourd'hui, «on essaye de sortir de la logique de crise, on a fait une évaluation, on a pris des initiatives, il y a une tendance de renouvellement, de mise en place de la démocratie interne», a déclaré à ALM Hassan Tarek. «Aujourd'hui, la préparation du congrès se fait de manière ordinaire. Et les questions du renouvellement, de l'unité de la gauche, de la démocratie interne, la refonte totale nécessaire des partis de la gauche sur les plans idéologique, politique et organisationnel seront posées lors de ce congrès», précise M. Tarek. Pour sa part, Mohamed Darif explique l'affaiblissement chronique de l'USFP par le fait qu'il a rompu peu à peu avec ses organisations parallèles (jeunes, femmes, organisations estudiantines, centrale syndicale et société civile…) dès sa participation au gouvernement en 1998. Délaissant la culture de l'opposition au profit de la culture de gestion, l'USFP était entré dans la logique de transaction. Aujourd'hui le retour à l'opposition se fait dans la douleur. Quel modèle démocratique pour sauver les partis ? Mme Bouaïda insiste sur la nécessité d'ouvrir un véritable débat autour du modèle démocratique qu'on veut adopter pour ce pays. «Le Maroc dispose de plusieurs partis politiques, et cela crée la confusion et les décrédibilise». La solution pour Mme Bouaïda réside dans «la mise en place de blocs politiques, l'un conservateur et l'autre moderniste avec chacun sa vision à moyen et long termes pour servir l'intérêt général». Et de conclure: «Le Maroc a aujourd'hui plus que jamais besoin de l'implication des bonnes volontés et d'une solidarité politique qui dépasse les conflits personnels».