Le parti de l'Istiqlal a plus que jamais besoin de ses sages pour sortir des moments difficiles qu'il traverse aujourd'hui. Partagé en deux courants, celui de la famille dans le parti, et celui du syndicat dans le parti, l'Istiqlal est sur les rails d'une scission, ou au moins un conflit qui risque de durer sur une période difficile qui peut s'étaler sur les quatre ou cinq prochaines années. Ces deux clans, forts et influents, se sont attroupés depuis 6 mois et de manière officielle et structurée autour de deux candidats au poste de secrétaire général du parti. Il s'agit respectivement d'Abdelouahed El Fassi, fils du leader historique, et Hamid Chabat, secrétaire général du l'UGTM. C'est ce qui s'est concrètement manifesté lors du congrès organisé la semaine dernière. Pour justement éviter le choc des titans lors de ce congrès, l'élection du futur secrétaire général et des nouveaux membres du comité exécutif par le conseil national a été reportée. Mais l'unité est aujourd'hui menacée par un véritable problème structurel et organisationnel. Que faire donc pour éviter le danger? Pour cela, les militants cherchent solution auprès de toute partie influente neutre qui peut avoir de la hauteur d'esprit pour intervenir et mettre fin à l'anarchie. Et les regards se tournent vers les sages, membres du conseil de présidence de l'Istiqlal. «C'est une instance supérieure, un comité qui est censé intervenir dans les moments difficiles, que ce soit au niveau idéologique ou au niveau de l'organisation pour structurer le parti, le réguler», explique un membre du conseil national de Casablanca. Et trois personnes composent cette instance aujourd'hui. Il s'agit de M'hamed Douiri, M'hamed Boucetta, et Abdelkarim Ghellab (El Hachemi El Filali, et Boubker EL Kadiri sont décédés). Nommément mentionnés dans le statut du parti, ces sages sont, de l'avis de tous, «plus que jamais sollicités pour intervenir et de mettre fin à cette anarchie». Sauf que les vieux (voir encadré) semblent décidés à se taire à jamais, appliquant à la lettre l'adage selon lequel «le silence est le plus haut degré de la sagesse». «Ce conseil des sages manque aujourd'hui à l'appel», estiment plusieurs voix concordantes au sein du parti. «A quoi sert cette instance si ses membres n'assument pas leur devoir? Qu'ils interviennent, ou bien qu'ils présentent, avec leur courage solennel reconnu, leur démission de cette instance», martèle ce membre du conseil national de Casablanca. Par ailleurs, pour plusieurs sources celui qui peut aujourd'hui jouer un rôle important et stratégique, c'est M'hamed Boucetta. «Il a la sympathie et le respect de tout le monde, il peut régler ce problème en 24h», ont confié plusieurs membres du parti. «M. Boucetta doit appeler les deux antagonistes, les cadrer pour qu'il y ait une troisième voie. Il doit assister au conseil national, lui exposer la situation et comment la débloquer», martèle un militant. Et de conclure : «Les membres du conseil national ont de l'estime pour M'hamed Boucetta. C'est à lui que revient la sortie de crise de l'Istiqal, c'est l'homme de la situation, ce n'est ni Abbas El Fassi qui a pris position en faveur bien entendu d'Abdelouahed El Fassi ni Hamid Chabat».
Le consensus, la troisième voie est–elle la solution ? «Si Abdelouahed El Fassi et Hamid Chabat, les candidats officiels au secrétariat général de l'Istiqlal vont jusqu'au urnes, avec au final un vainqueur et un vaincu, on aura des dégâts incontournables et forcément un mauvais perdant qui mènera la vie dure au gagnant ou pourrait quitter le navire plus tard», estime un membre du conseil national de Casablanca. Et d'ajouter que malgré «le fair-play de façade de coutume à l'issue de l'annonce des résultats du scrutin, le parti vivra dans ce cas alors au rythme de la guerre : guerre médiatique, guerre des positions, guerre du comité exécutif partagé en deux, comme c'est le cas depuis un moment». Ainsi, l'une des alternatives qui s'impose est que Abdelouahed El Fassi et Hamid Chabat renoncent à leur candidature et s'accordent autour d'un candidat unique, ou du moins permettre une troisième voie : celle d'ouvrir la candidature pour le poste de SG à tous les éligibles. Ces derniers doivent être membres sortants du comité exécutif actuel, du 15ème congrès (Mohamed El Ouafa n'en fait pas partie). Il est potentiellement question de Karim Ghellab, Taoufiq Hejira, Yasmina Badou, Abdellah Bekkali, Rachid Afilal, Noureddine Moudiane parmi 21 membres du comité exécutif. «Ce sera alors une démocratie simple avec des candidats normaux et non des candidats à «attroupement» ou d'autres «à problèmes» qui vont causer des dégâts après», souligne un membre du parti. Pourquoi règne le silence des doyens Il existe plusieurs raisons qui expliquent le silence des doyens. On cite la vieille rivalité entre M'hamed Boucetta et M'hamed Douiri, respectivement anciens numéros 1 et 2 du parti. Le conflit entre ce duo de choc, les «2M», comme les appellent les militants en référence à leurs initiaux, remonte à l'époque d'avant Abbas El Fassi lorsque les deux étaient en course pour le poste de secrétaire général. Aussi leur passivité aujourd'hui face à la guerre des clans ne date pas d'hier. Les sages ont raté le coche à plusieurs reprises ne s'étant pas manifestés dans plusieurs moments critiques du parti, notamment en 2005, lors du conflit entre Abderazzak Afilal et Hamid Chabat autour du secrétariat général de l'UGTM, mais aussi lors du débat qui a suivi la participation de l'Istiqlal au gouvernement. De l'avis de plusieurs membres, cette instance supérieure censée intervenir dans les moments difficiles du parti est malheureusement aujourd'hui stérile et dépassée. Un 16ème congrès en deux rounds Le 16ème congrès de Istiqlal a été une première étape dans le renouvellement des instances du parti en élisant les membres de son conseil national et en entérinant les rapports politique et législatif du comité préparatoire. La deuxième partie concerne l'élection du secrétaire général et l'élection du comité exécutif. Ce sera la tâche de la première session du conseil national composé d'un millier de personnes et qui sont de très grands électeurs en provenance de toutes les sections régionales du parti, du fin fond de la province d'Aousserd, au sud du Maroc jusqu'à la province de Berkane à l'est. Cette première session du conseil national aura lieu, d'après les lois, dans un délai qui ne doit pas dépasser trois mois. D'ici là, le SG et le comité exécutif continueront à assumer leurs fonctions.