ALM : Quelles sont les mesures préconisées par le ministère pour limiter les dégâts des constructions menaçant ruine à Casablanca et dans les différentes villes du Royaume? Mohamed Nabil Benabdellah : Le phénomène des constructions menaçant ruine est apparu vers la fin des années 80 et n'a, depuis, cessé de prendre de l'ampleur faisant ainsi des victimes innocentes et causant des tragédies déplorables et des images poignantes soulevant l'émotion de tous. En effet, les effondrements répétés des constructions ont amené les pouvoirs publics à se pencher sur ce phénomène et à entreprendre plusieurs actions souvent approchées au cas par cas compte tenu de la spécificité d'intervention dans ce type de tissu urbain. Les réponses à ce phénomène nécessitent donc le passage par un système de diagnostic élaboré dans l'objectif de dégager une vision intégrée du phénomène, un système qui devra s'articuler sur les aspects juridiques, techniques, sociaux, fonciers et financiers et impliquant tous les départements concernés. Aujourd'hui, dans l'immédiat, et suite aux drames qu'a connus la médina de Casablanca, une commission présidée par le chef de gouvernement et composée de l'ensemble des intervenants a été instaurée suite aux instructions de Sa Majesté le Roi et ce, en vue de procéder à un recensement exhaustif des habitations menaçant ruine à Casablanca et dans d'autres médinas du Royaume ainsi qu'à l'identification des dispositions urgentes et nécessaires pour reloger les occupants de ces habitations appelées à être réhabilitées ou détruites. Par ailleurs, il y a lieu de signaler que la problématique réside aussi dans le contrôle éparpillé entre divers intervenants. D'où la difficulté de déterminer les responsabilités en cas de sinistre. Et c'est la raison pour laquelle le gouvernement prévoit de réviser le mode d'intervention dans ces constructions en se dotant d'une structure dédiée à l'intervention technique dans ces constructions en prévoyant les ressources financières indispensables et pour lesquelles la création d'un fonds est également envisagée. D'ailleurs, cette mesure a été stipulée dans le cadre du projet de loi déjà établi par le MHUPV et qui se trouve en phase d'approbation au SGG. Ce projet de loi vise également, entres autres, la définition du concept de «construction menaçant ruine» et les parties auxquelles incombe l'intervention dans ce type d'habitat, et les missions et les responsabilités dévolues aux autorités locales, en l'occurrence le président du conseil communal.
Fès dispose d'une Agence dédiée au traitement des CMR et Casablanca dispose de plusieurs études et pourtant les résultats se font attendre. Que faut-il comprendre de ces deux cas ? Il est tout d'abord nécessaire de faire la distinction entre ces deux villes, Fès étant la capitale spirituelle du pays dont la date de création dépasse les 12 siècles et Casablanca une ville nouvellement créée. En effet, Fès se caractérise par l'ampleur du phénomène des constructions menaçant ruine, situées essentiellement dans les quartiers historiques de l'ancienne médina et à un degré moindre, dans les quartiers sous-équipés. Un phénomène qui, en raison de sa complexité et des difficultés inhérentes à sa nature même, se voit prendre de l'ampleur jour après jour. La création de l'ADER Fès avait donc pour principal objectif «l'exécution des programmes relatifs à la sauvegarde de Fès dans le cadre des prérogatives gouvernementales», un objectif qui la place au cœur d'un processus qui, au-delà de la simple restauration du bâti, vise à adapter le site historique à son évolution démographique et économique. Par ailleurs, il y a lieu de signaler que l'intervention dans les constructions menaçant ruine est plus à envisager dans un cadre de quasi-traitement au cas par cas que dans le cadre de la généralisation et la standardisation des solutions (à l'instar des bidonvilles et des quartiers non réglementaires), d'où la nécessité de créerdes entités dédiées à la problématique à l'instar de l'ADER Fès pour pouvoir faire aboutir les études déjà établies et pour rendre l'intervention, qui nécessite un savoir-faire et une expertise, moins complexe. C'est dans ce sens que le ministère de l'habitat, de l'urbanisme et de la politique de la ville envisage de revoir l'approche adoptée en la matière et ce, sur la base d'un texte de loi qui en plus de la définition exacte du concept préconise la création d'une entité spécialisée et d'un fonds dédié à la question des constructions menaçant ruine. Et il n'est pas exclu que les actions entreprises par l'ADER Fès puissent servir de référence pour la révision des modes d'intervention dans ce type de constructions.
Le Maroc a engagé un ambitieux programme pour la résorption des bidonvilles, où en est ce programme sachant que plusieurs villes ne se sont pas encore débarrassées de ce phénomène ? Le programme VSB s'inscrit dans une démarche globale et intégrée, visant la mise à niveau des villes marocaines, de sorte à accroître leur compétitivité et à en faire des pôles attractifs pour l'investissement. A ce jour, ce programme qui concerne 348.736 ménages répartis sur 85 villes est arrivé à 69% de sa réalisation avec 178.000 ménages ayant vu leurs conditions de vie s'améliorer, 13.600 ménages prêts à être transférés dans des unités déjà réalisées et 46.400 ménages concernés par des programmes en cours de réalisation. De même, 110.000 ménages sont concernés par des programmes en cours d'étude alors que 44 villes ont été déclarées villes sans bidonvilles. Toutefois, ce programme, dont l'achèvement était prévu en 2012, accuse un retard car il se trouve confronté à un certain nombre de contraintes (le foncier, la difficulté de transfert, l'augmentation du nombre des ménages, les problèmes d'ordre technique…). Dans ce sens, plusieurs actions dites de réajustement ont été entreprises, notamment l'inscription du programme «Villes sans bidonvilles» dans le cadre de la vision globale de la politique de la ville visant à réaliser l'intégration, l'harmonie et la complémentarité urbanistiques et ce pour garantir un logement décent aux populations moyennant, entre autres, la multiplication de l'offre d'habitat destiné aux couches aux revenus limités et renforçant par la même le contrôle du phénomène. Il s'agit également de la révision de l'accompagnement social des ménages concernés par des opérations de résorption et la mise en place de nouveaux outils de gouvernance au niveau central et local pour déterminer les responsabilités et assurer la transparence en matière d'attribution. il sera question, par ailleurs, de l'achèvement des unités en cours, l'augmentation du rythme de transfert des ménages concernés par les unités vacantes et l'ouverture de nouveaux chantiers pour les ménages non programmés. Quels sont les objectifs attendus de ce dialogue national pour la politique de la ville ? Avez-vous déjà établi des cahiers des charges, des deadlines? Afin de se positionner sur la scène internationale, de s'intégrer dans l'économie mondialisée et d'accroître sa compétitivité, le Royaume a fait des choix stratégiques de modernisation de secteurs traditionnels et de développement de secteurs innovants. Aussi, une série de stratégies sectorielles et de programmes a été mise en place par les pouvoirs publics permettant de répondre à des problématiques spécifiques, notamment la politique de lutte contre l'exclusion sociale et la précarité (INDH), la Stratégie nationale de développement urbain (SNDU), la politique de résorption de l'habitat insalubre (VSB), la politique environnementale (Plan d'action nationale pour l'environnement) et la politique de mise à niveau des villes (MANU),… Bien que ces stratégies sectorielles aient permis au Maroc d'enregistrer de grandes avancées en matière de développement économique et social, passant d'une logique de rattrapage à une logique de développement, cette démarche exige aujourd'hui plus que jamais de mettre en cohérence les interventions publiques et pourvoir plus de transversalité entre les politiques publiques, condition majeure pour promouvoir le développement urbain durable et apporter des solutions durables, notamment aux problématiques les plus urgentes. Ces politiques urbaines publiques prennent aujourd'hui de l'envergure et se donnent des moyens et des perspectives nouvelles pour attaquer les maux graves dont souffrent nos villes, à savoir l'exclusion, la précarité, l'habitat insalubre, la dégradation de l'environnement et des ressources naturelles vitales, selon des méthodologies conçues avec un fort souci de participation des citoyens concernés, de compatibilité et de bonne gouvernance. La nécessité de mettre en place une politique de la ville fondée sur une approche novatrice en termes de convergence et de cohérence des interventions et des stratégies publiques n'est plus à démontrer et constitue la réponse idoine pour faire face aux grands changements en cours et relever les défis du 21ème siècle. La tenue des Assises de la politique de la ville constituant l'aboutissement d'un large débat auquel ont été associées toutes les forces vives de la nation, à savoir société civile, autorités locales, élus, départements ministériels, opérateurs publics et privés, organisations professionnelles,… est le signe de l'engagement du ministère de l'habitat, de l'urbanisme et de la politique de la ville aux côtés des différents départements ministériels, décideurs et acteurs de la ville pour mettre en place les outils et mécanismes opérationnels d'une politique de la ville permettant de répondre aux enjeux et défis d'un Maroc résolument engagé sur la voie d'une grande ambition nationale, partagée par tous, et articulée autour du développement humain. Ce débat national qui a abouti à l'élaboration d'un référentiel aux mêmes conclusions et état des lieux sur la problématique des villes marocaines, l'importance des enjeux actuels et futurs, permet de souligner les risques encourus et montrer les opportunités et les potentialités à saisir, ensuite et c'est le plus important, il permet aussi de mobiliser l'ensemble des acteurs autour de l'urgence d'agir dans un cadre concerté, intégré et contractuel. Pour atteindre les objectifs escomptés de cette politique, et dans un cadre plus opérationnel, il s'agira d'identifier des sites pilotes support de projets de ville ou d'agglomération en tant qu'outils de bonne gouvernance qui servent à construire «une vision collective de la ville» et qui constituent les instruments pour opérationnaliser cette nouvelle politique publique. Ces outils permettront d'accompagner le processus de changement en mettant la ville comme unité d'analyse pour tirer le meilleur de ses forces et ses opportunités que lui offre son environnement pour améliorer sa compétitivité et contribuer au développement régional et national.