Hassan, 42 ans, père de quatre enfants, licencié en criminologie et ex-policier, se faisait passer tantôt pour un préfet de police, tantôt pour un haut fonctionnaire du Palais Royal pour gruger ses victimes. «Je suis préfet de police et les deux personnes qui m'accompagnent sont mes officiers“, déclare Hassan à un marchand de Derb Ghallef. Il lui demande de lui préparer des costumes, des chemises et des cravates. Le marchand emballe la marchandise, estimée à une valeur de plus de 10.000 dirhams. Il lui verse une somme de 1.000 dirhams en espèces, un chèque de 7500 dirhams et il lui reste à payer une somme de 2.000 dirhams. Hassan revient quelques jours plus tard chez le même marchand. Ce dernier lui apprend que le chèque qu'il lui avait remis est en bois. “je vais t'apporter l'argent la prochaine fois“, le rassure-t-il. Et avant de partir, il lui dit d'avertir les commerçants à collecter 600.000 dirhams pour l'électrification du Souk. Effectivement, le marchand commence à faire la propagande. Samedi 17 janvier. Vers 21h. Hassan entre, élégamment vêtu, dans un restaurant à Aïn Diab. Il était en compagnie de son ami, S.K. Il s'attable et demande avec solennité une bouteille de whisky. D'un verre à l'autre, Hassan remarque une belle fille à une table voisine de la leur, buvant du whisky. Il la dévore des yeux. Elle lui adresse un sourire enjôleur. Il se lève et va dans sa direction. Comme si elle l'attendait, elle se lève et lui fait la bise avant de l'inviter à s'asseoir près d'elle. Les amies de la fille, qui attendaient qu'elle le leur présente, le dévisagent avec curiosité. Elles ignoraient qu'il s'agissait de la première rencontre entre Hassan et leur amie. Et elles se contentent de scruter les regards et les chuchotements échangés entre cet étranger et leur amie, qui semble très heureuse. “Je m'appelle Hassan, je suis préfet de police“, lui dit-il à voix basse. Elle n'arrive pas à parler. Elle n'aurait jamais cru pouvoir séduire un haut cadre de la police. Afin d'apaiser son étonnement, il lui a expliqué qu'il vient, de temps en temps, dans ce dancing pour évacuer le stress quotidien dû à ses responsabilités. “Je m'appelle Zineb“, lui dit-elle en lui versant un verre, qu'il avale d'une traite avant de lui donner quatre numéros de téléphone portable. “Si tu as besoin de moi, tu peux me téléphoner à n'importe quel moment “, lui dit-il. Quand il se lève pour retourner à sa table, elle lui donne, elle aussi, son numéro de téléphone portable. La soirée est finie. Hassan se rend dans son appartement, au boulevard Mohammed V, pour rejoindre sa femme et ses quatre enfants. Le lendemain, dimanche, il téléphone à Zineb. “Où es-tu ?“, lui demande-t-elle. A Rabat, lui répond-il avant de fixer avec elle un rendez-vous pour mardi 20 janvier dans un café. De bonne allure et d'une beauté angélique, Zineb était attablée au café quand Hassan gara sa Peugeot 405. Il l'embrasse comme s'ils se connaissaient depuis belle lurette et s'assoit. Aussitôt, il commence à lui parler de ses préoccupations, ses responsabilités et ses engagements et de son travail 24h/24. Elle se contente de lui prêter l'oreille. Et lorsqu'il lui demande de l'aviser pour le moindre problème, elle ne laisse pas passer l'occasion. Elle lui explique qu'elle est la veuve de B.I, qui a trouvé la mort l'année dernière dans un accident de la circulation à Marrakech. Le défunt était associé à ses deux frères, Abdellah et Abdeslam, dans un restaurant-bar, situé à Aïn Diab. Quand il est mort, ses deux beaux-frères se sont abstenus de lui livrer sa part d'héritage. “Je vais résoudre ce problème, il faut savoir que c'est moi qui leur ai fermé La Cappadoce en 1999 et c'est moi aussi qui ai délivré l'autorisation de sa réouverture“, lui affirme-t-il. Zineb croit qu'elle est au bout de ses peines. Elle lui remet sa carte d'identité nationale avant de quitter le café à destination de la Peugeot 405. Quand elle y monte, il dégaine un pistolet et le remet dans un coin de la voiture. Il s'agit réellement d'un policier, pense-t-elle. Deux jours plus tard, Hassan stationne sa voiture près du restaurant-bar La Cappadoce, attend quelques minutes avant d'appeler le veilleur de nuit, lui donne une carte visite et lui demande de la remettre à B.I, le gérant. Quand ce dernier est arrivé et a reçu la carte visite, il a tout de suite appelé. “Ici, la direction générale de la sûreté nationale, qui est à l'appareil?“, demande son interlocuteur. Abdellah ne répond pas, il raccroche. Le lendemain matin, Hassan était avec son ami, S.K, quand il vient de stationner devant La Cappadoce. Le gérant sort, lui demande de se garer un peu plus loin. Hassan lui explique qu'il est en panne. Son ami compose un numéro de téléphone de son portable, demande au commandant du corps urbain de la sûreté de Casablanca-Anfa de l'aider en lui envoyant une voiture de dépannage. En un laps de temps, la dépanneuse arrive. C'est à ce moment que le gérant du restaurant-bar apprend qu'il s'agit de l'homme qui lui avait laissé sa carte visite. Il s'avance vers lui, lui demande de lui parler. Hassan lui dit qu'il n'a pas le temps et qu'il doit attendre jusqu'au soir. Vers 21h, Hassan entre à La Cappadoce. Le gérant s'approche de lui, lui demande ce qu'il veut. Hassan affirme être un haut fonctionnaire du Palais Royal, chargé de résoudre le problème de l'héritage de leur belle-sœur, Zineb, qui entretient une relation avec un prince. “Donc, soit tu transiges avec elle, soit tu lui verses la somme de 100.000 dirhams et une voiture“. Le gérant choisit la deuxième option et lui fixe rendez-vous pour l'après-midi du mercredi 28 janviers, au terrain du Golf Anfa pour lui remettre l'argent. Seulement, le gérant était accompagné des éléments de la 2ème section de la police judiciaire de Casablanca-Anfa. Arrêté, Hassan. N, s'est révélé être un escroc notoire. Âgé de 42 ans, Hassan est licencié en criminologie. Il a été recruté, en 1979, en tant qu'inspecteur de police à la Sûreté nationale. Impliqué dans une affaire d'escroquerie, de vol et d'usurpation de fonction, il a été révoqué et condamné à un an de prison ferme. Une fois relâché, il a été arrêté une deuxième fois, en 2001, pour falsification de documents administratifs, escroquerie et vol et condamné à 10 ans de prison. Seulement, il a été gracié pour ne purger finalement que 18 mois. Hassan attend actuellement sa troisième condamnation.