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Un principe : Le libéralisme
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 11 - 02 - 2004

Mohamed Ali El Hassani, professeur de droit des affaires à l'Université Mohammed V constate «un manque flagrant de conseillers fiscaux au Maroc».Ce profil, dit-il, est une véritable mine d'or pour les étudiants en droit et en économie.
Aujourd'hui Le Maroc : Entre harmonisation et exonérations, la fiscalité suscite actuellement un large débat au Maroc. En tant que spécialiste du droit des affaires, comment jugez-vous le système
fiscal national ?
Mohamed Ali El Hassani : Pour répondre à cette question, il faut rappeler que le système fiscal marocain, en termes d'organisation et de mécanismes, a nettement progressé par rapport au passé. Ceci, notamment par l'introduction dans les années 1980 de la TVA, l'IGR, l'IS. Mises en place dans le cadre du Programme d'ajustement structurel, ces mesures avaient pour finalité de réformer les secteurs économique, financier et fiscal marocains. Cela étant, force est de reconnaître que cette tentative de modernisation n'a pas été achevée. Elle a encore moins été accompagnée d'une mise en place de ressources humaines capables de mettre en œuvre ces mesures. Ce problème est récurrent au Maroc. On se contente de copier des lois européennes sans penser à les adapter à la réalité économique nationale.
Comment cela se traduit sur le terrain ?
Il faut avoir les capacités législatives, juridiques, judiciaires et humaines, mais aussi et surtout psychologiques pour pallier cette déficience.
Résultat : la fiscalité a certes enregistré un saut qualitatif, mais elle reste minée par plus d'une source de dysfonctionnement. A commencer par le fait que les salariés restent largement surtaxés par rapport aux autres acteurs. Ces derniers peuvent toujours arranger leurs bilans via des subterfuges qui sont parfois légaux et d'autres qui ne le sont pas. Aussi, le poids de l'informel et sa non-intégration au circuit formel représente un énorme manque à gagner pour l'administration en termes de recettes fiscales. A cela s'ajoute un aspect d'une grande importance et qui n'est autre que la fiscalité des groupes. Les lacunes en matière de législation et de contrôle font que les multinationales étrangères disposant de filiales au Maroc peuvent facilement entrer
dans une logique d'optimisation fiscale et payer le moins d'impôts possible, en gonflant les charges de la filiale marocaine.
Vous avez évoqué la sur-taxation des salariés. Qu'est-ce qui explique cet état de fait à votre avis, sachant que l'impôt sur les sociétés n'est pas aussi significatif ?
L'explication est bien simple. Il est très facile de taxer des revenus clairs et précis. D'autant que les prélèvements sont effectués à la source.
Ce qu'il faut rechercher, c'est l'équilibre entre les deux impôts. Il faut certes encourager les entreprises à investir davantage et à créer plus de postes d'emplois, en faisant en sorte qu'elles ne payent pas trop d'impôts. Mais il faut veiller à ce qu'elles payent ce qu'elles doivent. Chose qui n'est pas une sinécure, vu le système des trois bilans appliqué au Maroc. Comme il ne faut pas que la promotion de l'économie, par le biais de l'activité boursière, se traduise par un manque d'attention quant aux plus-values qui risquent d'échapper au fisc. Et, surtout, il ne faut pas que ce soit le salarié qui paye les pots cassés. La politique fiscale doit être un outil de redistribution des richesses par la lutte contre les inégalités sociales, sans pour autant que l'administration devienne dictatoriale. Un discours qui ne s'est pas encore frayé un chemin au sein du gouvernement actuel. C'est pour cela que l'administration fiscale doit descendre de son piédestal et expliquer aussi bien leurs droits que leurs obligations aux Marocains. A cet égard, nous constatons un manque flagrant de conseillers fiscaux au Maroc, à même de jouer ce rôle. Ce profil est une véritable mine d'or pour les étudiants en droit et en économie et qui peut prendre la forme de profession libérale. Il commence certes à émerger au pays, mais il faut que l'Etat garantisse sa compétence. Pour l'heure, il y a un vide législatif sur ces conseillers fiscaux.
Qu'en est-il des exonérations ? Peut-on parler de secteurs qui sont à exonérer et d'autres non. Et quelle est la place de l'agriculture dans ce panorama ?
En matière d'agriculture, il faut distinguer entre les grandes structures agricoles, que ce soit dans l'agroalimentaire, l'agro-industrie et les grands domaines, et entre les petits et moyens agriculteurs. Si les premiers doivent désormais être imposables, les seconds doivent bénéficier de cette exonération. Cela étant, l'exonération n'est pas le seul moyen pour encourager l'acte d'investir. Il y a le foncier que l'on doit démocratiser, mais aussi des procédures rapides à instaurer. Mis à part quelques secteurs sensibles, comme la santé, la sécurité et l'hygiène, qui doivent être soumis à autorisation, tous les autres secteurs doivent être l'objet d'un seul principe, celui du libéralisme.
Un élément positif cependant, celui de la création par l'administration de centres de collectes de la TVA. Un projet pilote est en préparation sur Casablanca. Il devra être élargi à tout le pays.
Qu'en est-il du poids de l'informel? Aussi, et face au démantèlement tarifaire continu et la baisse des privatisations, par quoi peut-on combler un déficit qui s'annonce accentué ?
De part son importance dans le PIB, l'informel occupe, il faut le reconnaître, une grande importance dans le tissu économique marocain. Son intégration au secteur formel est désormais une nécessité absolue pour diminuer à la fois les charges des salariés et le taux sur l'IS. Cela peut se faire via plusieurs moyens. A commencer par l'établissement d'une politique intelligente, basée sur la persuasion, le dialogue et l'argumentation. On doit expliquer à une structure informelle ce qu'elle aura à gagner dans cette transformation. Avantages à l'appui. On peut même imaginer une fiscalité de transition pour ces structures, dans un cadre contractuel, pour mieux accompagner ce changement.
Il est par ailleurs clair que les fleurons de l'activité économique ont pour la plupart été cédés. A cela, il n'y a pas 36 remèdes. Il faut se mettre au travail et investir. Le gouvernement a certes une part de responsabilité, mais il n'est pas le seul. Les entreprises, comme citoyennes, doivent également être conscientes que la seule richesse, c'est le travail.
Y a-t-il des mécanismes efficients de lutte contre la fraude fiscale ?
L'administration fiscale doit, dans ce sens, et au premier abord, distinguer entre évasion fiscale et fraude, entre évasion légitime et illégitime, et l'abus de droit par la dissimulation de données. Tout cela entraîne des pertes fiscales pour l'administration et pose la question de la compétence de cette dernière. D'où la nécessité d'avoir des spécialistes. Des hommes efficients, bien formés et d'une moralité irréprochable.


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