Le chercheur universitaire et politologue, Mohamed Darif, estime que le PJD a désormais le choix entre deux options : trouver un équilibre entre MVV et MUR ou chasser ce dernier de ses rangs. ALM : Que pensez-vous de la décision du PJD de limiter sa participation lors des prochaines élections? Mohamed Darif: Je tiens à préciser que cette décision n'a pas de lien direct avec les évènements tragiques du 16 mai. Depuis qu'ils ont intégré le PJD en 1996, les membres d'Attawhid Wal Islah (mouvement Unicité et Réforme, MUR) pensent que leur présence dans les élections doit être limitée. Et ce dans le but de rester sur le terrain et ne pas attirer les foudres des autres élites. C'est ce qu'ils ont fait dans les élections législatives de 1997 et de 2002. En outre, c'est tout à fait normal, car le PJD est un parti politique en voie de construction. D'ailleurs, les membres d'Attawhid Wal Islah prennent toujours l'exemple algérien où l'armée n'est pas restée les bras croisés après le raz-de-marée du FIS. Que pensez-vous des dissensions au sein du PJD à l'occasion des préparatifs des communales? Le PJD cherche à réaliser un équilibre entre le Mouvement Vertu et Vigilance (MVV), d'une part et le MUR d'autre part. La procédure de désignation des candidats aux élections était entre les mains de ce dernier. D'ailleurs, parmi les raisons de la création du MVV, c'est de contrer l'hégémonie du MUR. Le PJD s'est-il affaibli par les attentats du 16 mai et ces luttes intestines? Je ne pense pas qu'il soit fragilisé. Il faut rappeler que ces luttes existent avec le 16 mai. Le MVV a été créé le 19 avril dernier. Je pense que les évènements du 16 mai n'ont pas que des effets négatifs sur le PJD. Aujourd'hui, le parti fait son autocritique. Les sujets tabous n'existent pratiquement plus. Les canaux de communication du PJD avec la population sont intacts. Ce parti n'agit pas de manière occasionnelle, mais son action s'inscrit dans la continuité. Et le MVV sera le premier gagnant. Les membres du MUR disent maintenant que le PJD n'est pas un parti islamiste mais à référence islamique. Quelle est la différence entre ces deux notions? C'est les revers d'une même médaille. Dire qu'un parti a une référence communiste, c'est qu'il est communiste. Même chose pour l'islamisme. Je pense que les trois constantes de l'identité marocaine, à savoir l'Islam, la Monarchie et l'intégrité territoriale, ne doivent faire l'objet d'aucune surenchère. Les Algériens ont décidé que les composantes fondamentales de la nation ne doivent pas être utilisées dans les propagandes partisanes. En d'autres termes, une formation politique ne doit avoir qu'une seule référence: la politique. Pensez-vous que les résultats des prochaines élections donneront un bon score pour le PJD? D'abord, je tiens à préciser que je ne considère pas les résultats des législatives comme un raz-de-marée du PJD. Son score était assez faible: 500.000 voix sur 14 millions de votants. Au Maroc, on constate une municipalisation du comportement des électeurs. Lors des législatives, ce sont des considérations locales qui ont primé. On aura donc certainement cette même configuration et le PJD réussira dans les régions où il est traditionnellement implanté 74. A ce titre, je tiens à souligner que le PJD ne représente pas une force électorale, mais une force politique. En revanche, Al Adl Wal Ihssane constitue véritablement une force électorale. Peut-il y avoir un accord entre les deux? Je ne pense pas. L'islamisme au Maroc doit être considéré au pluriel. Al Adl Wal Ihssane a sa propre vision des choses et sur plusieurs points il est en désaccord complet avec le PJD. Ceux qui disent que certains députés PJD sont en réalité des membres d'Al Adl Wal Ihssane, se trompent complètement. Comment voyez-vous l'avenir du PJD? Je pense que le 19 avril, date de création du MVV, est le principal tournant dans l'histoire du PJD. A cette occasion, le discours d'Al Khatib décrypté par l'intervention d'Abdellah El Ouagouti estime que les membres du MUR "n'ont pas respecté leurs engagements" avec le MPDC et "ils ont commencé à jouer". Je me suis demandé si l'Etat avait décidé de rompre avec l'islamisme officiel. Les attentats du 16 mai ont accéléré les choses. Aujourd'hui, deux scénarios sont possibles. Trouver un compromis entre le MUR et MVV et partant faire du PJD un véritable parti politique et non pas une façade politique. Ou bien faire une rupture totale entre le Mur et le PJD. Dans ce cas, le parti sera repris par le MVV et reprendra sa véritable taille.