Mohamed Zine-Eddine affirme que la nouvelle Constitution accorde une supériorité de la Chambre des représentants sur celle des conseillers. ALM : Etant donné que l'USFP, le RNI et le PAM détiennent actuellement la majorité à la deuxième Chambre, cette dernière pourra-t-elle constituer un facteur de blocage ? Mohamed Zine-Eddine : A travers le nouveau texte constitutionnel, l'opposition représentée à la deuxième Chambre a la possibilité de présenter une motion de censure à travers le un cinquième des membres. Après trois jours, cette motion devra être votée par la majorité absolue des membres. Chose qui n'est pas aisée. Dans l'histoire du Maroc, il y a eu deux motions, l'une du temps du gouvernement Bahnini en 1963 et le gouvernement Lamrani en 1990. Mais, l'opposition ittihadie à l'époque n'avait pas réussi à réunir la majorité de 51%. Aujourd'hui, certes le RNI, le PAM et l'USFP détiennent la majorité à la deuxième Chambre et ont la possibilité juridique de renverser le gouvernement à travers la motion de censure, mais du point de vue politique, il me paraît pratiquement impossible que l'opposition ait recours à cette démarche. Quelles sont les raisons politiques qui s'opposeraient à cette démarche? Premièrement, il ne faut pas perdre de vue qu'on ne parle pas d'une opposition unie mais d'une opposition plurielle. Nous avons d'un côté l'USFP qui agit seul, et de l'autre le PAM et le RNI qui vont fort probablement coordonner leur action. Et nous avons l'UC qui n'a pas encore pris de position claire. Certes, le rapprochement entre les composantes de l'opposition est une probabilité, mais il est difficile d'avoir une majorité de 51% de membres autour d'une motion de censure. Deuxièmement, il paraît inconcevable que l'opposition ait recours à une motion de censure. Le Maroc traverse une période de transition où l'on cherche à faire réussir l'actuel gouvernement et non pas à lui mettre les bâtons dans les roues. Mais, encore faudra-t-il rappeler que l'opposition a la possibilité du point de vue juridique de présenter une motion de censure pour faire tomber le gouvernement. Qu'en est-il du blocage de l'adoption des lois ? Certes, la nouvelle Constitution accorde une place importante à la Chambre des conseillers, mais cette dernière n'a plus les mêmes prérogatives qu'auparavant. La situation a complètement changé par rapport au texte de 1996. Auparavant, un projet ou une proposition de loi devait être adopté par les deux Chambres dans le cadre de ce qu'on appelait la navette. Aujourd'hui, la Constitution dispose que les deux Chambres délibèrent à propos d'un texte, mais c'est la Chambre des représentants qui doit adopter ce texte. Le vote final appartient à cette Chambre. Aussi, pour ce qui est de la déclaration gouvernementale, la Loi fondamentale dispose que cette déclaration devra être présentée devant les membres des deux Chambres mais au siège de la Chambre des représentants et sous la présidence de cette dernière. Donc, on remarque déjà que la nouvelle Constitution accorde une supériorité de la Chambre des représentants sur celle des conseillers. Comment expliquez-vous cela ? Le Maroc est passé de l'étape du Parlement rationalisé et équilibré à une Chambre des représentants qui domine et qui a des prérogatives élargies comme cela se fait aux Etats-Unis, en Allemagne, en Grande-Bretagne, etc. Nous n'avons qu'une seule exception qui est celle de la France. Cette supériorité est tout à fait logique car la première Chambre est issue de la volonté populaire à travers le scrutin direct. Mais, il ne faut pas dire que la Chambre des conseillers n'a plus aucun rôle. Cette Chambre assure une représentativité des collectivités locales, du patronat et des centrales syndicales. Elle a un rôle à jouer car elle demeure une institution décisionnelle contrairement au CES qui n'a que des prérogatives consultatives.