Nouveau voisinage ou "doctrine des anneaux", telle est la nouvelle politique imaginée par l'Union européenne, suite à son élargissement à l'Est, pour ne pas léser ses voisins du Sud. Le Maroc semble bénéficier d'un traitement de premier choix. Mais l'avance prise par les nouveaux adhérents fait pencher la balance de la compétitivité de leur côté. Aux craintes, bien légitimes, vis-à-vis de l'élargissement de l'Union européenne vers l'Est, Bruxelles répond par une politique de nouveau voisinage. Mieux encore, le président de la Commission européenne, Romano Prodi, parle de "doctrine des anneaux". Le nouveau voisinage est une initiative européenne destinée à accompagner certains pays partenaires de l'UE qui sont plus avancés que d'autres dans leurs programmes de réformes. Outre le Maroc, six autres pays sont concernés : Russie, Ukraine, Moldavie, Tunisie, Jordanie et Israël. Dans ce cadre, la visite du commissaire européen à l'Elargissement, Gunter Verheugen, vise la définition, en concertation avec les responsables marocains, des modalités de mise en oeuvre de cette nouvelle politique. Cette politique devrait se traduire par une relation plus dense entre le Maroc et l'Union européenne, à travers un Plan d'Action devant être adopté conjointement. La présence du Maroc dans ce cercle restreint de pays voisins de l'Union est "une manière appropriée de répondre aux aspirations marocaines quant à un statut avancé dans ses relations avec l'UE", avait souligné M. Verheugen. De son côté, le président de la Commission européenne, Romano Prodi, lors d'un entretien paru jeudi dans le quotidien "La libre Belgique" estimé qu'après son élargissement, l'Union européenne devrait résolument renforcer son partenariat avec des "pays amis" comme le Maroc. L'UE, qui est à la veille de son élargissement à 10 nouveaux pays, se penchera ensuite sur l'adhésion de la Turquie et des Balkans, en maintenant l'objectif de "partager un maximum avec des pays comme le Maroc, l'Ukraine ou la Moldavie", a indiqué M. Prodi. L'approche Prodi est baptisée "doctrine des anneaux" et constituée de pays amis autour de l'UE. Elle a été confortée par l'accueil favorable qui lui a été réservé par les dirigeants européens. Au cours de leur sommet d'octobre 2003 à Bruxelles, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE avaient estimé que l'initiative du nouveau voisinage de l'Europe élargie devait être "soutenue par le biais d'une approche compréhensive, équilibrée et proportionnelle, incluant un instrument financier". Il s'agit plutôt d'accompagner certains de ces pays qui sont plus avancés que d'autres dans leurs programmes de réformes, à travers des plans d'action "individuels" mis en oeuvre conjointement avec chacun des pays concernés, assure l'Exécutif européen. La nouvelle approche européenne n'entravera en rien le partenariat euroméditerranéen engagé entre l'UE et les pays du sud de la Méditerranée pour la mise en place d'une zone de libre-échange à l'horizon 2010, selon l'UE. Concrètement, l'effort financier serait intensifié. Pour preuve, de 2001 à 2004, les fonds européens à destination du Maroc sont passés de 40 millions d'euros à 150 millions d'euros. Toutefois, l'attribution a été revue et corrigée. Le déblocage se fait désormais en tranches, sur la base des résultats atteints. Qu'ils soient au travers des programmes MEDA, des protocoles de participations ou sous forme de programmes d'ajustements, les moyens financiers européens ont été plus que triplés. Par contre, comparativement aux autres pays, ils restent sous-utilisés. Le Maroc n'affiche que 36 % de consommation, à titre d'exemple, du programme MEDA 2. En face, la Jordanie est à 70 % alors que la Tunisie dépasse les 50 %. Derrière ce constat, « le manque de visibilité et de sérieux du côté marocain », lance sans relâche le professeur Driss Benali (cf. entretien). Pour lui, la compétitivité des pays de l'Est est bien réelle. Elle est en leur faveur. Leurs programmes d'alphabétisation leur procure des investissements de haute valeur ajoutée. Alors qu'au Maroc, notamment, ce point reste un handicap à surmonter afin de gagner en compétitivité. Dans l'ensemble, le Maroc, par la voix du ministre délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération, Taïb Fassi Fihri, réserve un accueil favorable à cette initiative importante, dans la mesure où elle coïncide dans ses objectifs et ses principes avec la vision du Royaume quant au développement de ses relations futures avec l'Union européenne. M. Fassi Fihri s'est félicité de l'institution, en février 2003, de six sous-comités thématiques et d'un groupe ad hoc de réflexion sur le "statut avancé". Il a également relevé l'importance des négociations en cours sur le commerce et les services.