La liste électorale nationale consacrant deux tiers des sièges aux femmes et un tiers aux jeunes a été reçue d'une manière mitigée par les jeunes et les femmes et remet en surface un certain nombre de questions. La dernière mouture des lois électorales qui sera bientôt soumise au vote du Parlement est venue remédier à la faible participation des femmes et des jeunes à la politique en leur réservant respectivement 60 et 30 sièges dans la liste électorale nationale. Proposition unanimement acceptée par l'ensemble des partis ayant récemment rencontré Taib Cherkaoui, ministre de l'intérieur, mais reçue plus ou moins d'une manière mitigée par les principaux concernés : les jeunes et les femmes. Les femmes demandaient que la liste nationale leur soit entièrement dédiée. Ceci comme première mesure de discrimination positive tendant vers la parité et l'égalité homme-femme consacrée par la Constitution. Elles se retrouvent déçues par cette liste nationale. Les jeunes, quant à eux, voient leur nombre réduit, ils ne seront qu'une trentaine de jeunes de moins de 40 ans sur 375 députés, alors que cette tranche d'âge compose 70% de la population. Cette liste consacrant deux tiers des sièges aux femmes et un tiers aux jeunes remet aussi en surface un certain nombre de questions. La liste nationale est-elle le seul moyen de promouvoir la participation des jeunes et des femmes? Quel est le rôle des partis ? Y a-t-il aujourd'hui une bataille jeunes-femmes. Les jeunes seront-ils systématiquement identifiés comme hommes ? Une liste nationale pour les femmes et les jeunes n'ouvre-t-elle pas la voie à d'autres catégories : les cadres, les MRE, les personnes à besoins spécifiques... ? Et les listes régionales comprendront-elles femmes, jeunes, cadres... «Pour nous malheureusement, dès le premier examen des lois électorales, nous avons jugé que l'esprit de la Constitution instaurant la parité n'a pas été respecté. Pour tendre réellement vers la parité, il aurait fallu dans un premier temps consacrer le tiers des sièges du Parlement aux femmes», estime Fouzia Assouli, présidente de la Ligue démocratique des droits des femmes (LDDF). Et d'ajouter : «Les jeunes, pour leur part, doivent être présentés dans toutes les autres listes pour accéder au Parlement. Cela relève de la responsabilité que doivent assumer les partis politiques pour le renouvellement de l'élite à tous les niveaux». Même son de cloche chez Rabia Naciri, membre de l'Association démocratique des femmes du Maroc. Selon Mme Naciri, une liste nationale répartie entre les jeunes et les femmes est loin de l'esprit de la Constitution consacrant la parité et l'égalité. «On se retrouve aujourd'hui à faire du marchandage», dit-elle. Et d'ajouter : «Je pense que la liste nationale est un mécanisme de discrimination positive dédié à permettre la participation féminine dans la politique et rendre justice à cette catégorie discriminée socialement et politiquement à travers l'histoire. Cette situation n'est pas comparable à celle des jeunes». «La défaillance concernant le rajeunissement se situe au niveau des partis politiques. Il faut mettre en place des mesures incitatives et des sanctions pour que les parties assument leur responsabilité et promeuvent les jeunes, ceci notamment au niveau de la loi sur les partis. Et c'est normalement au niveau de la loi organique sur le Parlement qu'il faut une disposition de discrimination positive consacrant les principes de parité et d'égalité», ajoute-t-elle. Khadija Rouissi, présidente de Bayt El Hikma, quant à elle, prône le juste milieu. «Il nous faut éviter la confrontation jeunes-femmes, parce que tous deux sont porteurs de nouveauté, leur participation est nécessaire pour tendre à la démocratie et à la modernité». Et d'ajouter : «Il faut que les jeunes et les femmes se rencontrent pour réfléchir aux moyens nécessaires pour remédier à la faible participation des jeunes, car leur but commun c'est la normalisation de leur participation dans l'action politique. Une normalisation qui doit passer du plan juridique au plan culturel». Selon, Mme Rouissi, il ne faut pas réduire la question de la participation des jeunes et des femmes à la liste nationale. Cette mesure doit être accompagnée par d'autres mécanismes. Il faut institutionnaliser l'approche genre et le rajeunissement de manière verticale au sein des partis, au niveau de leurs programmes, leurs projets, leurs décisions, leur représentativité... ceci pour que cette participation des jeunes et des femmes soit effective. Et de conclure : «La liste nationale a pour mission de corriger les injustices. Dans ce sens, un candidat ne doit se présenter qu'une seule fois dans la liste national pour emprunter par la suite les voies normales». Contacté par ALM, pour sa part, Aziz Darmoumi, secrétaire général de la jeunesse du Mouvement populaire, s'est réjoui que le nombre de sièges composant la liste nationale soit revu à la hausse. Celle-ci devait comprendre 74 sièges selon la précédente proposition des lois électorales présentée par le ministère de l'intérieur. Mais il a déploré que les jeunes ne bénéficient que de 30 sièges, espérant que les 60 sièges réservés aux femmes comprennent un nombre important de jeunes femmes. Ali Elyazghi, secrétaire général de la Chabiba ittihadie, considère, quant à lui, que l'aboutissement du processus ayant permis aux jeunes d'imposer leur présence via plusieurs initiatives constitue une victoire morale pour les organisations de jeunesses des partis. Rappelons que ces dernières avaient créé un mouvement unissant une douzaine de jeunesses de partis ainsi que plusieurs organisations de la société civile pour promouvoir la participation des jeunes à la politique. Ils avaient dans ce sens rencontré le Premier ministre ainsi que le ministre de l'intérieur. «Personnellement, on aurait souhaité que le message revendiquant l'instauration de 35 ans comme limite d'âge et insinuant la nécessité et l'urgence du rajeunissement de l'élite politique soit pris en compte», regrette M. Elyazghi. Et d'ajouter : «Le recours à la méthode de la liste nationale n'est qu'une mesure exceptionnelle. La bataille ne fait que commencer pour imposer un renouvellement systématique de l'élite notamment à travers la promotion des jeunes au niveau des circonscriptions locales et régionales». Pour sa part Abdelkader El Kihel, secrétaire général de la jeunesse du PI, estime que les jeunes méritent aujourd'hui dans un contexte de foisonnement des mouvements de jeunes toute la place qui leur incombe dans la société et du coup dans un échiquier politique perverti par les pratiques électoralistes et malsaines des notables recrutés par les partis. «Nous soutenons les revendications des femmes, mais celles-ci ne doivent pas se faire aux dépens des jeunes», souligne M. El Kihel ajoutant que la parité homme-femme n'est pas concevable aujourd'hui en l'absence d'un nombre important de femmes qualifiées dans toutes les instances des partis.