Ceux qui disent «Non» font valoir comme argument ce qu'ils qualifient de «caractère non-démocratique» de la méthodologie d'élaboration du projet de la nouvelle Constitution ainsi que de son contenu. Le projet de la nouvelle Constitution ne fait pas l'unanimité. Alors que la majorité des partis politiques ont réagi favorablement à ce projet annoncé par SM le Roi dans son discours du 17 juin, certaines forces politiques ont décidé de boycotter le référendum constitutionnel prévu le 1er juillet prochain. Il s'agit principalement d'organisations qui avaient boycotté la Commission Mennouni et le Mécanisme de suivi présidé par Mohamed Moâtassim, notamment l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH), Annahj Addimocrati, la Confédération démocratique du travail (CDT), Al Adl Wal Ihssane, le Parti socialiste unifié (PSU), le Congrès national ittihadi (CNI) et le Parti de l'avant-garde démocratique et social (PADS). C'est un front refusant le projet du nouveau texte qui se constitue. Dans le cadre de la campagne référendaire ayant débuté, mardi 21 juin, le débat s'accentue à propos du projet de la nouvelle Constitution. Ceux qui appellent au boycott font valoir comme argument ce qu'ils qualifient de «caractère non-démocratique» de la méthodologie d'élaboration du projet ainsi que de son contenu. Le conseil national de la CDT a annoncé sa décision de boycott lundi 20 juin. La centrale syndicale de Noubir Amaoui justifie cette décision en invoquant la méthodologie adoptée pour préparer la Constitution qui, estime-t-elle, est «loin d'être participative, empêchant l'implication effective et réelle». «En ce qui concerne le contenu, le projet de Constitution n'a pas répondu, comme attendu, à la problématique constitutionnelle et politique qui entravait le développement et le progrès du pays, ....», précise la CDT dans un communiqué. La CDT fait cavalier seul parmi les centrales syndicales à partir du moment où l'UMT, l'UGTM, la FDT et l'UNTM se sont déclarées favorables au projet de la nouvelle Constitution. Du côté des partis politiques, ce sont les petites formations de gauche qui font l'exception. «En se basant sur le contexte général de la réforme constitutionnelle, celle-ci n'est pas basée sur une réelle volonté de réformer le régime. Elle n'est qu'une manœuvre pour absorber la colère du peuple et d'avorter l'élan du Mouvement du 20 février», indique Annahj Addimocrati dans un communiqué. Même son de cloche auprès des islamistes d'Al Adl. «Nous demeurons, malheureusement, très éloignés de la Constitution démocratique, de par la méthode, comme la forme et le contenu, et le Maroc est encore sous la coupe des constitutions octroyées. Nous nous trouvons encore devant un processus absurde qui ne fait que dilapider des sommes importantes, des efforts, des énergies nationales et du temps précieux sans apporter de changement à la réalité, mais qui au contraire ne fera que l'empirer», annonce Fathallah Arsalane, porte-parole de la Jamaâ de Cheikh Yassine, publiée, dimanche 19 juin, sur le site d'Al Adl. Parmi les associations des droits de l'Homme, c'est l'AMDH présidée par Khadija Ryadi qui constitue le chef de file du front du boycott. «La position de l'AMDH est claire. Nous avons dit, dès le départ, que du point de vue de la forme, que la nouvelle Constitution doit être élaborée par une commission élue. Pour ce qui est de la forme, nous disons que le nouveau texte doit être conforme au référentiel universel des droits de l'Homme. C'est pour cette raison que nous disons que le projet de la Constitution n'est pas démocratique», précise Abdelilah Benabdeslam, vice-président de l'AMDH, dans une déclaration à ALM. «L'AMDH n'est pas un parti politique. Nous n'allons pas mobiliser les citoyens pour voter «Oui» ou «Non» ou boycotter le référendum. Notre mission se rapporte à la formulation des observations et d'assurer le suivi», ajoute-t-il. Le Mouvement amazigh est, quant à lui, divisé à propos de la nouvelle Constitution. Ahmed Assid, membre de l'Observatoire amazigh des droits et libertés, explique cette situation dans une déclaration à ALM. «Le Mouvement amazigh est partagé en deux courants, l'un réformiste et l'autre radical. Le premier appelle à voter «Oui» parce qu'il considère l'officialisation de la langue amazighe est un pas historique dans la cause amazighe», indique-t-il, ajoutant que «le deuxième courant appelle au boycott parce qu'il considère l'amazigh non comme une cause à part, mais comme une cause s'inscrivant dans un projet démocratique global. Ainsi, l'officialisation de la langue amazighe est consacrée aujourd'hui dans un projet de la Constitution non démocratique dans la mesure où le Roi centralise toujours tous les pouvoirs ce qui fait que tout ce qui est inscrit dans ce projet reste difficile à réaliser à cause des contradictions et de la structure autoritariste toujours maintenue». M. Assid affirme que les dirigeants du Mouvement amazigh devront se réunir dans les prochains jours pour prendre une décision claire à propos du projet de la Constitution. L'appel au boycott est-il puni par la loi ? L'article 90 du Code électoral stipule «Est puni d'un emprisonnement d'un mois à trois mois et d'une amende de 1200 à 5 000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, détourne des suffrages ou incite un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter». Cela signifie-t-il pour autant que l'appel au boycott du référendum est puni par la loi ? Selon l'avocat Me Mustapha Ramid, la réponse est négative. «L'article 90 du Code électoral ne concerne pas le référendum. Mieux encore, cet article parle uniquement des personnes qui recourent à des manœuvres frauduleuses, lors des élections, pour inciter les électeurs à bouder les urnes. Cela laisse entendre que les moyens légaux sont tolérés. Toutefois, il s'agit d'un article qui supporte plusieurs interprétations. On n'est pas censé appeler au boycott en disant que la nouvelle Constitution consacre la dictature! Cela peut entrer dans le cadre des manœuvres frauduleuses, car il est susceptible d'induire les gens en erreur. Mais, comme j'ai dit au début, le principe général c'est que ce texte ne concerne pas les référendums», précise Me Ramid.