Mohamed Darif estime que les réformes annoncées par le Souverain ont mis fin à la monarchie exécutive. ALM : Quelle analyse faites-vous du discours royal annonçant la réforme constitutionnelle? Mohamed Darif : Nous assistons à la mise en place d'une nouvelle Constitution qui rompt avec les textes précédents. Cette nouvelle Constitution est intervenue pour exprimer une mutation profonde de la vie politique. Ce discours constitue le point de départ d'une nouvelle ère. Il y a eu jusqu'à présent un cumul des revendications qui a été accentué par les revendications du 20 février. Quel type de régime politique instaure la nouvelle réforme ? Nous assistons à une révolution constitutionnelle qui instaure une monarchie équilibrée. Certains disent que la monarchie ne peut être démocratique que lorsqu'elle est parlementaire. C'est le cas pour les revendications des jeunes du 20 février. Il faut savoir que la monarchie parlementaire s'articule autour de deux éléments fondamentaux : des partis politiques crédibles et un corps électoral responsable de ses choix. Or, on a bien vu que les jeunes du 20 février ont dit que les partis politiques sont dépassés et que les élections sont dominées par les notables et par l'usage de l'argent sale. Il s'agit là donc d'une contradiction flagrante. Mettre en place une monarchie parlementaire dans ce cadre serait de nature à confier le pouvoir à une majorité parlementaire ayant remporté les élections grâce à la corruption et aux notables. Pour mettre en place une monarchie parlementaire, il faut, au préalable, créer les conditions pour crédibiliser les partis politiques et responsabiliser le corps électoral. Quel est donc le régime le plus approprié ? Les réformes annoncées par le Souverain ont mis fin à la monarchie exécutive et s'acheminent vers la mise en place d'une monarchie équilibrée avec une nouvelle répartition des pouvoirs. De par sa qualité de Commandeur des croyants, le Roi est le garant de l'unité religieuse du pays. Mais, il a aussi d'autres attributions sur le plan politique, c'est-à-dire qu'il est désormais un arbitre actif qui doit intervenir pour réguler les règles du jeu. Le gouvernement est doté d'un pouvoir exécutif effectif issu de la majorité parlementaire et un Parlement qui exprime la volonté populaire. Il s'agit donc d'une solution médiane entre le régime qui était en place et la monarchie parlementaire. Une solution qui prend en considération les spécificités du Maroc et son évolution historique. Que dites-vous de la commission ad hoc? Après le discours royal, certains ont dit qu'il fallait mettre en place une Assemblée constituante désignée par le peuple pour mettre en place une nouvelle Constitution. Dans ce cas, la nouvelle Constitution entre en vigueur dès que l'Assemblée remet sa copie. Ils estiment que cette méthode est la seule démocratique. Or, ces derniers méconnaissent le fait que la commission ad hoc ne remet qu'un projet de Constitution qui n'entre en vigueur qu'après référendum populaire. Il s'agit là aussi d'une méthode démocratique. Ceux qui disent que l'Assemblée constituante est la seule voie démocratique ont une vision étriquée des choses. Quelles perspectives pour la régionalisation élargie ? Le Souverain avait dit, à l'occasion du discours royal du 3 janvier 2010, que le chantier structurant de la régionalisation élargie allait ouvrir la voie à de profondes réformes institutionnelles et politiques et qu'il allait aider pour consacrer les fondements de l'Etat de droit. Tout cela pour dire que ce n'est pas ce qui s'est passé en Egypte et en Tunisie ou le Mouvement du 20 février qui sont derrière les réformes entreprises actuellement au Maroc. Ces événements ont seulement eu l'effet d'accélérateurs des réformes.