Le 20 février est devenu une marque déposée. Un label. En dehors de quelques noms, cités ici ou là, on n'en connaît pas précisément les promoteurs qui demeurent peu identifiés et presque anonymes. En revanche, il y a pas mal de vieux routiers de la politique qui trouvent dans ce mouvement une fontaine de jouvence destinée à leur procurer une juvénilité politique pour ne pas parler de virginité. A côté des acteurs classiques que sont le pouvoir, la classe politique, société civile et ONG comprises et l'opinion, il y a désormais dans le jeu un acteur qui s'affirme, c'est la société. Et d'évidence, en plus de toutes les revendications traditionnelles relatives à l'emploi, la santé, la lutte contre la corruption et tout ce qui plaide pour une société qui donne sa chance à chacun, il y a comme un besoin de reconnaissance, une exigence d'estime, un désir d'épanouissement. Ce sont là des mets qui nourrissent l'âme autant que le fait le pain contre la faim. Le maelstrom arabe affecte le monde. Et il a déjà fait des dégâts collatéraux en France par exemple. Il serait donc insensé de penser que cela sera sans effets sur le Maroc. Mais sans verser dans le discours de l'exception marocaine, il y a lieu d'admettre que notre pays a eu sur la dernière décennie une avance notable dans plusieurs domaines qui sont au cœur de la revendication du peuple tunisien ou égyptien. Et je ne parle pas de cet asile d'aliénés qu'est la Libye. Il s'agit alors pour nous non seulement de ne pas perdre cette avance mais d'accélérer la cadence pour mieux creuser l'écart et préserver la distance. Ce défi doit être le nôtre et le peuple marocain avec ses institutions est largement capable de le réussir. Nous avons cependant un problème majeur, c'est que notre opinion est orpheline d'outils pour l'accompagner. L'existence de plusieurs journaux dans notre pays fait illusion. Notre presse, arabophone en particulier, loin d'aider à réfléchir et à poser les termes d'un débat quelconque, s'ingénie, chaque jour que Dieu fait, à invectiver, à outrager, à vilipender et à diffamer. Quotidiennement ou presque, un nom ou une famille sont impunément mis sur le bûcher par des prédicateurs qui manient la plume comme on manie un lance-flammes et qui délivrent, chaque matin, une ration de haine à des lecteurs intoxiqués et pervertis. Notre champ télévisuel est aride et indigeste. Le téléspectateur marocain l'a littéralement déserté. Chaque soir, il demande asile dans un satellite arabe ou français. Or, aucun projet de société ne peut se mener sans une télévision digne de ce nom. Celle-ci a le devoir et l'impérieuse obligation d'être le miroir de la société si ce n'est celui d'avoir le rôle d'en être la vitrine.