La mobilisation des jeunes du 20 février a certes créé l'unanimité sur la nécessité d'une réforme constitutionnelle, mais les divergences persistent au sein des partis politiques sur ce qu'il faut réformer. L'heure de la réforme de la Constitution a-t-elle sonné? C'est la question que se posent actuellement les acteurs politiques, syndicalistes et militants des droits de l'Homme. D'ailleurs, c'est ce qu'ils souhaitent. Selon eux, la loi fondamentale du Maroc, dont la dernière révision remonte à 1996, est désormais appelée à être réformée pour s'adapter aux exigences du nouveau contexte. Le débat à propos de cette revendication bat son plein. La réforme de ce texte a été au centre des revendications des manifestations pacifiques du Mouvement des jeunes du 20 février. Et suite à ces manifestations, les partis politiques de l'opposition et de la majorité ont rendu publics des communiqués appelant à entreprendre d'urgence une réforme constitutionnelle. Mais, pour sortir des généralités, l'on est en droit de poser la question de savoir: que faut-il réformer dans la Constitution? Les réactions recueillies par ALM auprès des dirigeants des partis politiques ont essayé de répondre à cette question. (Voir réactions page 6). Bien que certains partis ont affirmé qu'ils s'attelaient toujours à l'élaboration de mémorandums faisant état de leurs revendications précises par rapport à ce sujet, ils ont affirmé avoir déjà trancher sur certains points. Il est question, par exemple, du renforcement des prérogatives de l'Exécutif et du Parlement, la consécration de la primauté du droit international, des droits de l'Homme sur le droit interne et la révision du rôle de la deuxième Chambre à la lumière de l'installation des membres du Conseil économique et social (CES). En ce qui concerne le volet culturel, les partis politiques revendiquent la constitutionnalisation de la langue amazighe. Aussi, selon eux, la réforme constitutionnelle permettra de conserver les acquis considérables cumulés par le Maroc depuis l'intronisation de SM le Roi Mohammed VI. Ceci étant, la classe politique estime que cette réforme est aujourd'hui et plus que jamais nécessaire. «Ce qui se passe est une opportunité historique à mettre à profit pour œuvrer à approfondir et accélérer le processus de réformes politiques, économiques et culturelles et à engager une réforme constitutionnelle protectrice des constantes nationales et des institutions», avait indiqué le Mouvement populaire, dans un communiqué, rendu public mardi 22 février dernier. Pour sa part, le PPS avait appelé, dans un communiqué, daté du même jour, «à initier une nouvelle génération de réformes constitutionnelles, politiques et économiques, en vue de poursuivre le processus d'édification du Maroc démocratique, moderniste et développé». Le bureau politique de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) avait souligné, lui aussi, dans un communiqué «la nécessité de fixer un agenda de réformes politiques au Royaume, répondant aux exigences des mutations marquant actuellement le monde et le voisinage», ajoutant que parmi «ces réformes figurent celles constitutionnelles visant à édifier des institutions fortes et capables de promouvoir les affaires du pays». A rappeler qu'en dehors des revendications formulées par les acteurs politiques, la réforme de la Constitution a été également recommandée par l'Instance Equité et Réconciliation (IER) dans son rapport final. Dans ce sens, l'IER de feu Driss Benzekri avait appelé à la consolidation des garanties constitutionnelles des droits humains , notamment par l'inscription des principes de primauté du droit international des droits de l'Homme sur le droit interne, de la présomption d'innocence et du droit à un procès équitable. L'IER avait recommandé, par ailleurs, le renforcement du principe de la séparation des pouvoirs et l'interdiction constitutionnelle de toute immixtion du pouvoir exécutif dans l'organisation et le fonctionnement du pouvoir judiciaire. Elle avait, en outre, recommandé d'expliciter dans le texte constitutionnel la teneur des libertés et droits fondamentaux, relatifs aux libertés de circulation, d'expression, de manifestation, d'association, de grève, ainsi que des principes tels que le secret de la correspondance, l'inviolabilité du domicile et le respect de la vie privée. Il est question, en outre, selon le rapport final de l'IER de renforcer le contrôle de la constitutionnalité des lois et des règlements autonomes ressortant de l'Exécutif, en prévoyant dans la Constitution le droit d'un justiciable à se prévaloir d'une exception d'inconstitutionnalité d'une loi ou d'un règlement autonome. Des recommandations qui sont restées lettres mortes depuis 2006 et que le mouvement du 20 février a fait renaître et suscité une sorte d'unanimité nationale sur la nécessité de la réforme de la Constitution.
La procédure de révision de la Constitution Au Maroc, l'initiative de la révision de la Constitution appartient au Roi, à la Chambre des représentants et à la Chambre des conseillers. C'est ce que dispose l'article 103 du texte de la Constitution marocaine. Ainsi, le Roi peut soumettre directement au référendum le projet de révision dont il prend l'initiative. Dans ce chapitre de réforme de la Constitution, on relève que «la proposition de révision émanant d'un ou de plusieurs membres d'une des deux Chambres ne peut être adoptée que par un vote à la majorité des deux tiers des membres qui composent cette Chambre». Et de poursuivre que «cette proposition est soumise à l'autre Chambre qui peut l'adopter à la majorité des deux tiers des membres la composant». Pour sa part, l'article 105 du texte de la Constitution souligne que «les projets et propositions de révision sont soumis, par dahir, au référendum». Notons que la révision de la Constitution est définitive après avoir été adoptée par voie de référendum. L'article suivant indique pour sa part que «la forme monarchique de l'Etat ainsi que les dispositions relatives à la religion musulmane ne peuvent faire l'objet d'une révision constitutionnelle».