Malgré les critiques et la réclamation du transfert des détenus vers leurs pays d'origine, les Américains font la sourde oreille. Le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack straw, a estimé jeudi « de loin préférable » que les prisonniers de nationalité britannique détenus sur la base américaine de Guantanamo (Cuba) soient jugés en Grande-Bretagne. Cette nouvelle déclaration vient compléter les nombreuses critiques et inquiétudes concernant les conditions d'arrestation et de détention des anciens Taliban et membres du réseau Al-Qaïda, transférés depuis plusieurs semaines sur la base navale américaine. Parmi les quelque 169 prisonniers, trois sont officiellement de nationalité anglaise et le Royaume-Uni estime qu'il revient à ses instances de les juger. « Nous ne connaissons pas les conditions exactes (d'arrestation et de détention ?) et nous continuons nos discussions avec les Etats-Unis », a ajouté M. Straw. La Grande-Bretagne confirme ainsi les inquiétudes de l'Union européenne qui a officiellement dénoncé cette semaine le non-respect par Washington des principes de la Convention de Genêve. Le commissaire aux relations extérieures de l'UE, Chris Patten, avait déclaré craindre une perte de crédibilité morale pour la coalition anti-terroriste. « Nous devons être clairs, nous voulons la justice, pas la vengeance », avait-t-il souligné. « Cela veut dire qu'il faut faire preuve d'une certaine décence, d'une certaine générosité d'esprit envers les vaincus ». L'armée américaine semble pourtant loin de se soucier de la polémique grandissante. Alors qu'elles ont annoncé la suspension temporaire, mercredi, du transfert de prisonniers d'Afghanistan vers Cuba, les autorités militaires continuaient parallèlement de considérer ces détenus comme des combattants « illégaux » : aucun n'a été inculpé et la durée de leur détention n'a pas été précisée. Des responsables ont aussi annoncé qu'ils avaient commencé mercredi, pour la première fois, des interrogatoires individuels. « Ce sont des entretiens, des séances de collecte d'information, pas un processus contraignant », a assuré le capitaine Robert Buehn, commandant de la base américaine, ajoutant que « l'assistance juridique n'est pas appropriée à ce stade ». Reste que ni la presse, ni les ONG n'ont accès au site. « Le secret qui entoure ces prisonniers est ce qu'il y a de plus alarmant pour l'instant », estime ainsi Amnesty International, précisant avoir adressé un courrier au gouvernement américain pour lui demander « d'autoriser une inspe-ction rigoureuse et publique de la prison ». Tous les regards se tournaient par ailleurs, ce jeudi, vers le jeune Taliban Américain John Walker Lindh, arrivé la veille aux Etats-Unis, qui devait comparaître devant la justice de son pays, à Alexandria (Virginie). Il est inculpé pour complot visant à tuer des Américains à l'étranger, et de soutien au réseau Al-Qaïda.