Pendant qu' ils s'enivraient, Jamal a dérobé le portefeuille de son ami, Mohamed. Hors de lui, celui-ci est rentré chez lui pour s'armer d'un bâton et retourner pour lui asséner des coups mortels. Les trois juges, le représentant du ministère public et le greffier venaient de prendre leurs places au perchoir quand Mohamed clamait son innocence. Le président de la Cour lui a demandé de s'asseoir au banc des accusés et attendre l'examen de son affaire. Seulement, il a continué à clamer son innocence sans que personne ne sache de quoi il parlait. Deux policiers étaient obligés, sur ordre du président de la Cour, de le conduire hors de la salle d'audience et le garder dans la geôle. Nous sommes à la chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca. Le silence s'est établi, une fois encore, à la salle d'audience. La Cour a examiné quelques affaires avant d'arriver à celle de Mohamed. Ce jeune homme de trente-deux ans, marié et père de deux enfants, a été conduit, une fois encore, par les deux policiers, à la salle d'audience. Le président lui a demandé de se taire et de ne répondre qu'à ses questions. «Sinon, je vais te mettre dehors sans examiner ton affaire. Tu dois nous aider en te calmant», lui a expliqué le président de la Cour. Mohamed a fixé le président de la Cour tout en gardant, cette fois-ci, le silence. Accusé de coups et blessures ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner, il clamait son innocence. Il a affirmé qu'il s'agissait d'un coup monté contre lui. Par qui ? En fait, il n'a dénoncé personne. Mais, il a précisé qu'il avait des ennemis. Pourquoi a-t-il des ennemis ? Une interrogation à laquelle il n'a pas répondu. Les questions du président se sont multipliées. À l'une d'elles, Mohamed a répondu : «Oui, M. le président, nous étions ensemble, moi et lui. Nous avons acheté quelques bières que nous avons bues chez lui avant de sortir vers 18 h. Nous avons pris un grand taxi qui nous a déposés au centre-ville. Nous avons pris quelques bières dans un bar avant d'acheter deux «trois-quarts» de vin rouge et nous avons rebroussé chemin vers notre quartier». Mohamed a précisé à la Cour qu'il était encore conscient quand il a quitté son ami pour regagner son domicile. «Ce n'est pas moi qui ai frappé Jamal. Je ne connais pas son meurtrier», a-t-il nié. Au contraire, les témoins, le veilleur de nuit et trois jeunes hommes du quartier, ont confirmé que Mohamed était le meurtrier de Jamal. «Ils se soûlaient tous les deux. Vers 2 h du matin, j'ai remarqué Mohamed qui malmenait Jamal avec un bâton. Il visait sa tête. Je l'ai vu M. le président de mes propres yeux», a témoigné le veilleur de nuit. Les trois autres jeunes témoins ont confirmé avoir vu de leurs propres yeux Mohamed qui violentait Jamal avec un bâton. Ils étaient tous les trois dans un coin de la rue en train de causer quand la bagarre a éclaté entre les deux amis. D'ailleurs, le mis en cause, Mohamed, selon le procès-verbal, a avoué devant les enquêteurs de la police judiciaire être le meurtrier de Jamal. Il a même révélé aux enquêteurs le mobile de son crime. «Nous picolions quand il a dérobé mon portefeuille. Je lui ai demandé de me le rendre. En vain. Je l'ai quitté pour revenir vers lui un quart d'heure plus tard avec un bâton à la main. Je l'ai frappé violemment. Quand il a perdu connaissance, j'ai pris mon portefeuille de sa poche et je suis rentré chez moi», lit-on dans le procès-verbal de son audition par la police judiciaire. Prenant en considération ses déclarations devant les enquêteurs de la police judiciaire et les témoignages des quatre témoins oculaires, la Cour l'a jugé coupable pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner et l'a condamné à dix ans de réclusion criminelle.