Mohamed Darif souligne que les négociations entamées par les Etats européens avec l'Aqmi renforcent politiquement cette dernière. ALM : Peut-on dire que l'Aqmi est devenue encore plus forte qu'auparavant ? Mohamed Darif : On peut dire que l'Aqmi est devenue relativement plus forte par rapport au passé. L'Aqmi a toujours cherché à avoir une certaine légitimité et une reconnaissance de fait. En principe, on ne négocie pas avec une organisation terroriste. Ce qui renforce l'Aqmi aujourd'hui ce sont les négociations entamées avec elle par les gouvernements occidentaux, suite à l'enlèvement de ressortissants étrangers. Je parle dans ce cadre de l'Autriche, la France, l'Italie et même dernièrement l'Espagne. Ces négociations renforcent politiquement l'Aqmi et c'est ainsi que cette organisation a réussi à avoir une certaine légitimité et une reconnaissance de fait. Que faut-il faire pour mettre fin au danger que représente l'Aqmi dans la région du Maghreb? Là où il y a faiblesse des structures étatiques, il y a Al Qaïda, dit-on. Al Qaïda a réussi à s'implanter au Yémen, en Irak, en Afghanistan et dans la région du Sahel à cause de la faiblesse de ces Etats à assurer un contrôle efficace sur leur territoire. Face au danger de l'Aqmi, l'approche militaire demeure inefficace. On ne peut pas combattre une cellule de 7 ou 8 personnes par une grande armée. Ainsi, l'approche qui semble la plus pertinente c'est l'approche sécuritaire, c'est-à-dire mener une guerre de renseignement à travers la collecte des informations et des données. Cette approche nécessite une forte coopération entre les Etats de la région. C'est d'ailleurs l'approche adoptée avec succès par les services de sécurité marocains. La France a affirmé, mercredi, être aux côtés du Maroc et du Maghreb dans leur lutte contre le terrorisme. Quel commentaire en faites-vous ? Il s'agit là d'une déclaration de principe. Tout le monde dit qu'il est contre le terrorisme. Mais l'on constate qu'à chaque fois qu'un sujet européen est enlevé, les pays européens n'hésitent pas à négocier avec l'Aqmi et lui accorder des sommes énormes en contrepartie de la libération des otages. Par exemple, la somme de huit millions d'euros octroyée par Madrid à l'Aqmi ne va-t-elle pas permettre à cette dernière de recruter plus de combattants et de renforcer ses moyens logistiques pour intensifier sa guerre contre les pays du Sahel et du Maghreb?