Le 14 Juillet, les Français commémorent la prise de la Bastille, en célébrant la liberté et l'égalité qui ont triomphé en 1789. Cela, c'est pour les historiens et les intellectuels. Pour beaucoup de Français, c'est le bal des pompiers du soir 13 juillet, le défilé militaire du 14 au matin et le feu d'artifice qui couvre le ciel de France de tous ses embrasements le soir. Il y avait aussi la traditionnelle garden-party dans les vastes jardins de l'Elysée où on pouvait flâner entre les saveurs de la gastronomie de toutes les régions françaises, avec une note toute particulière pour le stand de l'Outre-mer. Un des temps forts de ce géant pique-nique restait l'intervention du président de la République qui, à chaque fois, officiait à treize heures devant deux à trois stars du journalisme, triés sur le volet, pour faire un point politique sur les questions du moment. Cette année, tout a été chamboulé. La garden-party est passée à la trappe sur l'autel de la rigueur comme si les détails symboliques pouvaient exorciser l'immensité du défi du déficit. Le président a parlé le 12 et durant une heure, il donnait l'impression d'être le pilote d'un bombardier d'eau qui s'ingénie à larguer des flots sur les flammes incandescentes qui carbonisent son camp politique. Il a ainsi défendu mordicus un Worth partiellement caramélisé et « une République irréprochable » assaillie par les reproches les plus indéfendables. Comme un malheur ne vient jamais seul, il y a aussi la polémique sur le comportement françarique, avec cette cavalcade militaire et exotique de mercredi. Paris a invité, pour l'occasion les 14 chefs d'Etat africains et leur armée à défiler aux côtés des Français sur les Champs Elysées, pour fêter leurs 50 ans d'indépendance. Ils n'étaient finalement que 13 puisque l'armée ivoirienne s'est abstenue. L'ambassadeur ivoirien, peu diplomate pour l'occasion, s'en est expliqué ainsi : «les 50 ans de l'indépendance, c'est notre anniversaire, pas celui de la France. Ce n'est pas à la France d'organiser cette fête pour nous, c'est maladroit de sa part». «Farandole des vassaux», «banquet de la servitude», «défilé du déshonneur» entend-on du côté africain. Outrage aux valeurs de la République française par la présence de «tortionnaires, dictateurs et autres prédateurs des droits de l'homme» dira la FIDH et autres ONG françaises. Sarkozy disait piteusement à Dakar «Le drame de l'homme africain, c'est qu'il n'est pas assez entré dans l'histoire». Il fut probablement mal inspiré par la plume enfiévrée d'Henry Guaino et par, incontestablement, la logique françafrique. La cérémonie du 14 juillet 2010 confirme cette logique et la saillie d'Aimé Césaire «la lutte pour l'indépendance, c'est l'épopée. L'indépendance acquise, c'est la tragédie».