En plein été 2004, la découverte de huit cadavres d'enfants a bouleversé le calme de la ville de Taroudant. Un tueur en série, Abdelhadi Hadi, a été arrêté et a avoué un neuvième meurtre. Taroudant. Nom énigmatique d'une ville du Souss. À quatre-vingt et un kilomètres de l'est d'Agadir et à deux cent quarante kilomètres du sud de Marrakech, cette perle médiévale, qui date d'avant la présence roumaine sur les terres marocaines, se tient comme une colombe qui couve ses œufs. Sa beauté ne vaut rien sans les deux chaînes de montagnes qui la gardent : le Grand Atlas au nord et l'Anti-Atlas au sud. Généreuse et accueillante, elle ouvre ses cinq portes, Bab Al Kasbah, Bab Zorgane, Bab Targhount, Bab Slesla et Bab Lakhmiss, à tous ceux qui veulent se réfugier dans sa sérénité, sa douceur et sa tranquillité La rivière Oued Souss qui la longe la rend comme une émeraude. Une rivière qui n'échappe pas à la légende. Parce qu'on la considère comme l'origine du nom de la ville. Dans cette légende, on raconte qu'un enfant accompagnait sa mère au moment où les crues touchaient la ville. Tout d'un coup, l'enfant fut emporté par les eaux de la rivière. Quand la mère se rendit compte de ce qui arriva à son enfant, elle cria en amazigh « Taroua Dane», c'est-à-dire l'enfant fut emporté. Depuis, selon la légende, la ville prit le nom de «Taroudant» et retourna à sa sérénité. Une sérénité qui contamina même les habitants. Personne ne conteste qu'ils sont des gens «pacifiques et n'offensent personne» comme il a remarqué, lors de ses voyages, Hassan El Ouezzane, connu sous le nom de Léon Africain. Malheureusement, il y a toujours un enfant qui jette une pierre à la surface de l'eau calme du lac. Ce qui provoque souvent une perturbation de la surface et parfois l'eau devient trouble. C'est ce qui est arrivé, ce matin du vendredi 20 août 2004 dans cette ville paisible peuplée par des Soussis pacifistes et inoffensifs. Comment ? Aux premières heures de ce vendredi, les Roudanis, à l'instar de tous les êtres humains que Dieu a créés, sonnent le branle-bas. Les uns prennent leur petit-déjeuner et se préparent pour aller à leurs travaux et les autres empruntent déjà leur chemin à destination de leurs emplois. Les enfants sont encore chez eux parce qu'il n'y a pas d'école. Ceux qui ont une enfance volée par la cruauté de la pauvreté et qui sont devenus, avant le temps, adultes sont déjà dans la rue en quête d'un client qui veut cirer ses chaussures ou acheter une cigarette au détail ou à la gare routière transportant les valises des voyageurs contre quelques dirhams. Cependant, tout ce monde a été bouleversé en un clin d'œil. Pourquoi ? Une information choquante circule dans les quatre coins de la ville. Une information qui fait état que des passants ont fait deux découvertes macabres à cinq cents mètres de distance, près de Bab Lakhmiss et du lit d'Oued Waâr. Pas moins de huit cadavres, soit à l'état squelettique soit en décomposition avancée, ont été étalés sur la voie publique. Dans ce lot de restes humains, on a pu isoler deux moitiés de corps, l'une supérieure, sans tête et l'autre inférieure, qui porte toujours des vêtements. Qui les y a déposés ? Sans aucun doute, quelqu'un (ou plusieurs personnes) est venu, la nuit du jeudi au vendredi, 19 au 20 août 2004, de se débarrasser de ces restes humains au bord de la chaussée, dans ces lieux très fréquentés, et bien en évidence notamment devant les locaux d'un mécanicien et d'une auto-école. Certainement, ces corps étaient enterrés quelque part, dans la ville ou ailleurs, puisqu'une couche de terre recouvre les ossements. Près du lieu, on a retrouvé un bout de papier qui porte l'expression écrite en arabe: «Adidas 55, Hadi». Qu'est-ce que cela signifie? Ce message porte-t-il un défi? Si oui, un défi pour qui ? Pour la police ? Peut-être.